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Retour à l'Ouest

Retour à l'Ouest

Titel: Retour à l'Ouest Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Victor Serge
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s’est trouvé dans la
nécessité de faire à son nouvel allié des concessions décisives sur le plan de
l’idéologie et de la propagande.

« S’il est minuit dans le siècle » [348]
    30 janvier 1940
    La même question m’a souvent été posée, à propos de ce roman,
par des lecteurs et des critiques : dans quelle mesure est-ce une œuvre d’imagination,
un roman au sens traditionnel du mot, et dans quelle mesure une œuvre
documentaire, un témoignage précis ? – À Frédéric
Lefèvre qui m’interrogeait ainsi, j’ai répondu :
    « C’est bien un roman, mais c’est un roman
rigoureusement véridique. Une foule de choses sur l’homme, sur la société, sur
l’histoire ne peuvent être dites ni dans l’essai ni dans l’étude historique. Il
faut, pour les exprimer avec une intensité de vie suffisante, la création
littéraire, ce qu’elle permet d’intuition, de passion et de liberté pour
reconstruire la réalité. Joindre la vision intérieure à la connaissance des
hommes et des choses. En ce sens,
S’il
est minuit dans le siècle
est, parce que c’est un roman, un
témoignage beaucoup plus profond et plus exact que ne le seraient des Mémoires
dans lesquels l’auteur ne relaterait que ce qu’il aurait vécu lui-même, avec le
peu d’exactitude que permet le souvenir. Ce roman rend, je le crois, très
exactement, l’atmosphère d’une époque déjà révolue. Il se peut que la ville des
Eaux-Noires, la prison que j’ai appelée le Chaos, les luttes des hommes, mes
camarades et mes frères – et donc moi-même – dans ce bled et dans cette cave
paraissent au lecteur former un très sombre tableau. Je ne l’ai pas voulu, je n’ai
voulu qu’être vrai, je me suis même efforcé d’y mettre toute la lumière
étouffée, secrète, mais tenace que je n’ai jamais cessé de discerner chez les
hommes de la terre russe. J’aurais voulu terminer sur une note d’espoir et je
crois qu’elle y est. En tout cas, laissez-moi souligner que la période que je
décris là, c’était encore le bon temps. J’aime l’exactitude même dans le roman ;
le roman doit être un document, non certes à la façon d’une thèse d’histoire, un
document moral, un document psychologique situé dans un cadre réel. Celui-ci se
situe en Russie, en 1934, donc avant les procès d’imposture, avant les
exécutions sans nombre… On nous étranglait tout doucement, mais nous vivions… C’était,
vous dis-je, le bon temps. »
    On a tort de vouloir reconnaître l’auteur en ses personnages.
Pourquoi les créerait-il si ce n’était pour s’évader de lui-même, rompre le
cercle un peu étouffant du moi, rompre avec l’égocentrisme involontaire, pénétrer
autrui, s’incorporer à lui, atteindre par cette sorte de communion à une vérité
plus générale sur l’homme ? Mais on n’y atteint jamais assez ; le
romancier se retrouve toujours quelque peu en tous ses personnages et davantage
en ceux qu’une parenté spirituelle rattache à lui. J’ai donné dans ce livre
plusieurs portraits ressemblants : pas le mien toutefois. J’eusse voulu
silhouetter les profils de deux générations : la vieille génération
révolutionnaire, usée par ses luttes, brisée par la machine totalitaire qu’elle
a bâtie de ses mains, sans le vouloir et sans s’en rendre compte – et c’est une
des plus tragiques aventures que l’histoire connaisse –, et la jeune génération
du travail, livrée à elle-même devant une réalité singulièrement écrasante, aux
prises avec une pensée dirigée, avec la répression, avec des traditions
socialistes reniées, avec sa propre ignorance, avec ses aspirations confuses… Jusqu’ici
l’homme a appris à penser par la lutte et l’émulation des idées. La jeune
génération soviétique est amoindrie par l’absence de toute pensée libre dans l’air
qu’elle respire ; sa nourriture intellectuelle est d’une fadeur, d’une
monotonie, d’une pauvreté inconcevables… J’ai cherché à montrer une jeune
intelligence qui s’efforce à vivre sous toutes les contraintes, veut comprendre,
et comprendre pour agir. Il y en a, on ne les voit guère, mais elles cheminent
obscurément et l’avenir leur appartient, un avenir qu’elles feront dans la
douleur, à travers les tâtonnements, les erreurs, les chutes…
    Plusieurs des personnages de
S’il est minuit dans le siècle
figurent dans mes romans
antérieurs :
Les Hommes dans la
prison, Naissance de

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