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Retour à l'Ouest

Retour à l'Ouest

Titel: Retour à l'Ouest Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Victor Serge
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liberté de la presse là-bas. Voici textuellement :
    « Et ce pays en guerre… »
(Mais est-il plus en guerre que la France, la Belgique ou l’Angleterre ?)
« Ce pays en guerre surveille sa presse et sa littérature, ne permet pas à
quelque Daudet moscovite de traiter ses chefs d’invertis, de Juifs immondes et
de chameaux. Ce pays fusillerait Carbuccia et sa bande… »
    J’ai quelque raison de croire qu’il leur donnerait plutôt de
l’emploi. De récents procès me portent à croire qu’il en ferait des procureurs,
par exemple, tout à fait à la hauteur… Mais là n’est pas le débat. Ceux qui
reprochent avec raison au régime actuel de l’URSS d’imposer un conformisme
desséchant défendent avant tout la liberté de la pensée socialiste. Ce sont les
socialistes, les syndicalistes, les anarchistes, les communistes qui ne peuvent
écrire une seule ligne… Et puis, on a tort de s’imaginer que le lecteur ignore
le sens précis des mots. Presse et littérature « surveillées », dites-vous ?
Qui voulez-vous donc tromper ? Il s’agit d’une presse et d’une littérature
rigoureusement gouvernées et dirigées par l’État, rigoureusement officielles
dans leurs moindres manifestations…
    Je passe, naturellement, sur les vieux racontars de café, sans
mordant ni esprit du reste, dont on tire l’injure contre Gide. Le plus étonnant
en tout ceci c’est le mépris du public.
    S’imagine-t-on ce public tellement oublieux qu’il ne sache
plus que toute la presse du communisme officiel, en URSS et à l’étranger, qualifiait
hier encore André Gide « le plus grand écrivain français d’aujourd’hui »
et même, ce qui était visiblement faux, « le plus grand écrivain
révolutionnaire » ?
    S’imagine-t-on enfin pouvoir, au moyen des racontars et des
injures, tourner les seules questions qui comptent ?
    Ces questions, les voici :
    Y a-t-il dans le livre de Gide une seule constatation
erronée ou fausse ? Ce qu’il dit est-il ou n’est-il pas vrai ? Et si
ce qu’il dit est vrai – personne, personne ne l’a contesté jusqu’ici – est-ce
bien ou mal ? Tel que Gide l’a vu et le décrit, très sommairement, avec un
si poignant souci de ménager même ce qui le contriste le plus, ce régime est-il
conforme aux intérêts de la classe ouvrière ?
    Le débat véritable, on ne l’ouvrira pas, parce qu’il ne se
trouvera personne pour contester les constatations de fait formulées par un
Gide et personne pour défendre cet état de fait.
    La cause étant perdue en soi, devant la vérité, il ne reste
à ceux qui ont leurs raisons de la défendre quand même, que l’injure et la
calomnie.
    Gide va faire, sans doute, l’un des plus tristes voyages de
sa vie. Venu tard au mouvement ouvrier, il ne s’attendait pas à y découvrir ces
ulcères. Puisse-t-il dans ce combat acquérir la trempe du militant. Les vieux
socialistes, obscurs ou connus, ont tous passé par de semblables épreuves et
savent bien que l’injure impuissante les suivra toute leur vie. Ils ont appris
de bonne heure à hausser les épaules. Ils enjambent la boue et continuent leur
chemin.

1937

Tour d’horizon *
    2-3 janvier 1937
    Retournons-nous un moment sur l’année écoulée pour en
dresser le rapide bilan. Deux ordres de faits y dominent les événements.
    La crise cyclique du capitalisme mondial s’est atténuée, comme
il fallait s’y attendre et la reprise de l’activité économique a coïncidé avec
une reprise d’activité politique. Les puissances fascistes sont allées de l’avant,
marquant de sanglants succès que l’avenir jugera. On a vu la Société des
Nations obligée de consentir à la conquête de l’Éthiopie par l’Italie, c’est-à-dire
à l’agression et à l’assassinat de l’un de ses membres par un autre et ceci en
plein jour… Mais quelle est, après cette victoire réelle, la situation
économique de l’Italie ? Quelles privations accrues le régime fasciste
impose-t-il aux populations laborieuses ?
    On a vu l’intrigue fasciste aboutir, devant le silence
complice des chancelleries, à la conquête de la Grèce par un régime totalitaire.
La Grèce, pourtant, est une des clefs stratégiques de la Méditerranée. On s’étonnerait
de l’aisance avec laquelle cette brillante opération a été conduite, si la
guerre civile d’Espagne ne nous montrait chaque jour à quel point l’esprit de
réaction, je veux dire l’esprit de classe, aveugle,

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