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Retour à l'Ouest

Retour à l'Ouest

Titel: Retour à l'Ouest Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Victor Serge
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Chacun de nous peut servir. Les généraux nationalistes
peuvent détruire des villes. Pendant qu’ils pulvérisent des pierres et broient
des chairs, la souffrance et l’exploit des masses accumulent les matériaux pour
les constructions de demain.
    Et s’il est permis de comparer des hommes d’à présent aux
chrétiens de la révolution chrétienne, ce ne sont certes pas les évêques à tout
bénir, mais bien ces obscurs – incroyants ou croyants, peu importe ! – miliciens
de là-bas, venus de tous les points du pays et du vaste monde pour offrir à la
classe ouvrière le rempart de leurs poitrines.
    P. S. Un mandement de la Croix-Rouge aux belligérants d’Espagne
demande notamment aux républicains de respecter les anciens militaires… Sans
doute, sans doute. Mais les auteurs de ce document n’ont point songé à suggérer
aux fascistes le respect des vieux ouvriers, des femmes d’ouvriers, des enfants
d’ouvriers… L’esprit de classe les mène loin.

Le plus triste voyage d’André Gide
    19-20 décembre 1936
    André Gide vient de commencer le plus triste de ses voyages [81] . Qu’il s’arme de
courage, d’ironie, et surtout de mépris ! Ce n’était rien que revenir du
Congo, du Tchad, de l’URSS et nous en rapporter ces livres, pensés avec
réticence et scrupule, qui restent des documents sur le temps présent. Il lui
faut aujourd’hui revenir de plus loin, d’un vrai voyage au bout de la nuit, en
somme, la pire nuit, la nuit sale de l’homme. Voici qu’à la suite de son
témoignage sur la Russie, si modéré de ton, si pénétré du plus douloureux
attachement à la cause de la révolution, l’insulte pleut sur André Gide… Il
connaîtra donc, à un âge où l’on croit n’avoir plus à faire d’expériences de ce
genre, de nouvelles profondeurs à la bassesse humaine. Il apprendra que
certaines gens qui se réclament des plus hautes réalisations et des buts les
plus essentiels du socialisme d’aujourd’hui ne valent pas mieux, au service d’un
système totalitaire, que les collaborateurs habituels des feuilles de calomnie.
    Le signal est venu de haut et de loin. La
Pravda
de Moscou portait le 3 décembre
sur le
Retour d’URSS
un
jugement anonyme mais officiel d’un ton que j’aime mieux ne point qualifier. L’auteur,
lisait-on dans cette prose, « n’est ni blond ni brun ; c’est on ne
sait quel hybride de vieil écrivain français et de leste contre-révolutionnaire
russe ». Et, tout comme s’il en eût reçu la permission ou l’invite par
télégramme, le
Merle blanc
de
Paris mettait en manchette : « Un pauvre bougre : André Gide ».
Cet article-là était signé, on s’en doute, d’un fier bougre, d’un grand bougre,
plein de noblesse, M.  Pierre Scize . Du moins
pouvait-on le croire tel avant de l’avoir lu…
    Plus désolante qu’on ne le croirait à première vue, cette basse
petite chose. Depuis la guerre les feuilles humoristiques comme
Le Canard enchaîné
et le
Merle blanc
s’étaient acquis une juste
popularité par leur liberté assez réelle de pensée et par leur constant souci
de ne voir d’ennemis qu’où il y en a pour le rire libre : à droite. Voici
que le Merle siffleur siffle par ordre et dans un seul sens et se met à bourrer
les crânes, lui aussi, et se met à mentir, lui aussi, avec une fourberie qu’il
eût fallu laisser aux réactionnaires…
    Car enfin c’est proprement se moquer du monde et mentir que
d’argumenter à la façon de M. Scize :
    « M. André Gide croyait entrer dans un palais. Il
est entré dans un chantier. »
    Avec une innocence rare chez un homme de son âge, il s’en
est étonné. « Quoi ! Des plâtras là où j’imaginais des tapis ? Comment !
des charpentes en fer là où je voyais des coupoles ? »
    C’est aussi d’une insigne maladresse. Les gens qui pensent
qu’il faut taire certaines vérités, ignorer délibérément l’indéfendable et le
noyer dans le silence, devraient au moins savoir gré à Gide de n’avoir
certainement pas dit tout ce qu’il a vu et tout ce qu’il sait. N’oublions pas
qu’il était en URSS au moment du procès des compagnons de Lénine qu’on a
fusillés. Il aurait trop beau jeu de répondre aujourd’hui à M. Scize :
    « Du plâtras, dites-vous ? Pardon ! Et si c’était
du sang ? Des charpentes en fer ?… Et si c’était des barreaux ? »
    Plus malheureux encore, le rédacteur du
Merle
, quand il aborde la question de
la

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