Retour à l'Ouest
appelée Khibinogorsk, au
milieu de précieux gisements d’apatite ; et que fut mise en exploitation
la vaste région minière de Karaganda dans les sables brûlés de l’Asie Centrale…
Iagoda, enfin, dirigea l’instruction secrète du procès des Seize qui aboutit, en
août dernier, à l’exécution de quelques-uns des plus vieux compagnons de Lénine
(Zinoviev, Kamenev, Ivan Smirnov) et plus
récemment, à l’exécution des treize dont plusieurs, comme Piatakov, Mouralov, Sérébriakov,
avaient aussi appartenu à l’équipe dirigeante de Lénine. C’est à lui que fut
confiée pendant de longues années la tâche délicate de veiller à la sécurité de
Staline.
Je me souviens qu’à son voyage en Russie en 1935, Romain
Rolland rencontra Iagoda, dont il fit un portrait enthousiaste, publié à l’époque
par toute la presse communiste, en URSS et à l’étranger…
Au lendemain du procès des Seize, mal monté évidemment et
qui, vis-à-vis de l’opinion ouvrière du monde, fut peut-être une grosse faute
politique, Iagoda tomba tout à coup en disgrâce et, du tout-puissant ministère
de la police, passa sans raisons connues au ministère des PTT qui est à Moscou
un lieu de mauvais augure ; il succédait là, en effet, à Ivan Smirnov, fusillé,
et à Alexis Rykov (l’ancien président du Conseil des Commissaires du Peuple), mystérieusement
emprisonné. Il est évident qu’il sait trop de choses sur la liquidation de la
génération révolutionnaire à laquelle il appartient par son âge (47 ans) et par
son passé de vieux bolchevik.
On ignore quelles accusations l’accablent et cela n’a, à
vrai dire, aucune importance. Il a été l’exécuteur de tant de directives
secrètes, inhumaines et illégales, qu’on peut invoquer contre lui, à bon droit
sinon avec justice, tous les articles du code. Le voici enfermé à son tour dans
une de ces cellules de la prison intérieure du Guépéou qu’il a fait construire
et aménager et qui porte peut-être encore affiché sur la porte un règlement qu’il
a signé !
Changement de régime, ai-je écrit, et ces mots ne paraissent
pas trop forts au regard des faits. Le correspondant de la
Neue Wiener Zeitung
à Moscou estime que
plus de 10 000 bolcheviks des débuts de la révolution, appartenant jusqu’en
1936 aux administrations dirigeantes, ont été arrêtés en six mois.
Le Messager Socialiste
russe (menchevik)
a publié que Léon Sosnovski , le plus remarquable des
journalistes bolcheviks du temps de Lénine, a été fusillé sans jugement. On
confirme l’arrestation de Christian Racovski, qui fut le chef du gouvernement
des Soviets d’Ukraine pendant les années difficiles, plus tard ambassadeur de l’URSS
à Paris et à Londres. On confirme l’arrestation à Tiflis de deux anciens
présidents du Conseil de Géorgie, Levan Gogobéridzé [114] et Boudou
Mdivani. Mais les nouvelles de ce genre sont si nombreuses qu’on a peine à les
suivre. Un drame historique aux répercussions incalculables se joue là, sous
nos yeux, presque ignoré du monde.
L’enfant pauvre *
17-18 avril 1937
La moitié au moins de l’humanité est formée d’enfants ;
dans les grandes villes d’Occident la moitié au moins des enfants sont des
pauvres. Je ne vous apporterai pas de statistiques pour le prouver. Regardez
autour de vous, dans la rue. Regardez avec un peu d’attention l’enfant pauvre
et pensez à lui. Cela vous éclairera, par des biais inattendus, sur bien des
choses. Sur la littérature par exemple et l’esprit bourgeois… Combien de romans,
de films, de pièces sur les amours des riches ? D’y penser vous donne le
vertige et, facilement, vous dégoûterait à jamais de lire… Combien de bons
livres sur l’enfant de la rue, de la misère, de l’école primaire, de l’usine, de
la mine ? Il y a
L’Enfant
de
Jules Vallès, inoubliable, comme un sommet de souffrance et d’ironie ;
Poil de Carotte
de Jules Renard ;
Fil-de-Fer
de Jehan Rictus… Livres impitoyables
précisément parce qu’ils disent la grande pitié de l’enfant. En Belgique, Constant Burniaux nous a donné autrefois des notations
vécues sur une école… Cherchant bien, nous trouverions peut-être une douzaine
de livres. Et la littérature moderne serait jugée sous un des ses aspects
traduisant l’insouciant égoïsme des classes aiséess pour lesquelles on écrit
puisqu’elles achètent le livre, – puisque, seules, elles peuvent l’acheter…
Ces
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