Retour à l'Ouest
couvre,
L’enfant de ma chair, c’est le tien !
Quoi ! Douter ? Lorsque mon flanc s’ouvre,
Ô penseur, tu ne sais donc rien ?
Prenons congé, sur cet acte de foi, du poète et du communard.
Il dit vrai puisqu’un demi-siècle plus tard, sa parole est parmi nous si
vivante qu’elle pourrait être celle d’un marin de Cronstadt ou d’un milicien de
la Guadalajara.
Les mobiles du crime *
15-16 mai 1937
La guerre des Espagnes ouvrière et fasciste nous avait déjà
rappelé cette vieille vérité que les guerres sociales sont plus inhumaines que
les guerres d’États. Il arrive, dans les guerres d’États, que les peuples se
battent à contrecœur, travailleurs contre travailleurs, pour des intérêts au
fond étrangers aux uns et aux autres puisqu’ils sont principalement ceux des
classes possédantes. Dans les guerres sociales, par contre, les riches
défendent ce qui fait leur raison d’être, ce qui leur tient beaucoup plus à
cœur, certes, que la vie des pauvres : leur richesse. Les pauvres
défendent leur vie, car les privilèges ne peuvent être maintenus ou restaurés
que par des saignées suffisamment grandes pour anémier profondément les couches
les plus nombreuses de la population. Au début de la sédition nationaliste, le
général Franco estimait qu’il faudrait mettre à mort environ un million d’ouvriers
espagnols ; et ce « grand patriote » que d’impayables fascistes
(impayables quoique bien payés n’en doutez pas) nous présentent comme mû par l’amour
de son pays, s’est mis à l’œuvre. On évalue à plus de deux cent mille aujourd’hui
les victimes du nationalisme fasciste. La destruction de Guernica, la tentative
de mise à mort de tout un petit peuple, le peuple basque, nullement
révolutionnaire au surplus et même très catholique, ajoutent à l’horreur sans
nom de cette entreprise d’assassinat d’une nation.
Elle se perpètre, selon l’usage, au nom des grands idéaux. J’imagine,
pour la beauté parfaite des choses, des évèques bénissant les trimoteurs
allemands du général Franco avant le bombardement de Guernica… Il ne faut cependant
ni beaucoup d’intelligence ni même une connaissance approfondie du matérialisme
historique pour déchirer le voile, assez transparent, qui dissimule les mobiles
du crime. Et comme on nous accuse trop volontiers, nous, marxistes, d’interpréter
l’histoire d’une façon trop dépourvue de psychologie et d’idéalisme (– oui, monsieur !) ;
je suis bien aise de pouvoir citer ici une fort intéressante étude de la
New Statesman and Nation
, revue
londonienne teintée d’un libéralisme de bon aloi mais, heureusement, très
informée de certaines questions de mines, minerais, crédits, hausse et baisse
de titres…
Pourquoi s’est-on battu avec tant d’acharnement autour de
Cordoue, en Andalousie ? Parce que les nationalistes tiennent à garder à
tout prix en leur possession les mines de mercure d’Almadena. Comment s’explique
l’intervention allemande en Espagne ? Par les richesses minières de la
péninsule, richesses sur lesquelles les généraux ont sagement mis la main dès
le début de leur mauvais coup. Les régions d’Oviedo et de Vigo produisent du
minerai de fer en abondance ; la Biscaye aussi. Les mines de cuivre
avoisinant Huelva sont les plus riches de l’Europe. La « Pennaroya »
produit du plomb. « L’Espagne produit aussi de l’argent, de l’étain, du
zinc, des pyrites, du wolfram, du manganèse… » Belle proie pour les
rapaces totalitaires… Sous le cabinet Lerroux, les trusts de la chimie et de la
métallurgie allemande crurent mettre la main sur les trésors qu’ils
convoitaient ; mais la victoire électorale du Front populaire compromit
toute leur entreprise.
Au début de la guerre civile « l’Allemagne envoya à
Franco plusieurs transports d’armes et de munitions. Ses cargos repartirent en
emportant 800 000 tonnes de minerais de fer. L’Allemagne fut littéralement
sauvée par cette opération, car elle ne pouvait […] acheter des minerais à l’étranger…
elle acquit ainsi la possibilité de continuer ses armements… » Jusqu’à ce
jour, tout le minerai du Riff lui est réservé, et elle le paie en armes et
munitions. Et le tout est soldé en réalité par le sang des travailleurs d’Espagne,
pour mieux maintenir sous le joug les travailleurs d’Allemagne et nous préparer
à tous une guerre européenne où pourrait sombrer la
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