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Retour à l'Ouest

Retour à l'Ouest

Titel: Retour à l'Ouest Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Victor Serge
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Versaillais, après la prise
de la mairie (du II e arrondissement), je me repliai sur le XI e ,
où je passai les derniers jours de lutte avec Ferré, Lefrançais ,
Vaillant, Varlin et Delescluze. » En bonne compagnie, parmi les plus
braves, Delescluze se fit tuer pour ne pas survivre à la défaite. Varlin et
Ferré allaient être fusillés. Pottier réussit à s’échapper, gagna la Belgique. Et
il put résumer, plus tard, sa vie en ces termes : « Manque perpétuel
du pain et du temps. »
    Et puis que les amateurs de pure littérature viennent nous
dire que Théophile Gautier eut la rime plus riche, plus originale, plus… tout
ce que vous voudrez ! Je ne sais pas si Pottier fut poète au sens
conventionnel du mot, je suis sûr qu’il ne fut pas homme de lettres. Simplement,
un ouvrier de Paris au temps des grandes batailles sociales ; un ouvrier
qui, pour ses compagnons de lutte, trouva des strophes inoubliables. Claires, directes,
martelées, si bien que l’on croirait entendre le pas d’une patrouille – en
blouses – sur le pavé.
    Devant toi, misère
sauvage,
Devant toi, pesant esclavage,
L’insurgé

Se dresse, le fusil chargé !
    Nul n’a mieux exprimé la douleur et la grandeur de la
Commune. Et chaque vers de ses strophes rend aujourd’hui, en avril 1937, un son
plein… Parcourrez une feuille réactionnaire à la page d’insultes consacrée aux
marxistes et aux anarchistes d’Espagne puis relisez ceci :
    Quels lâches, que ces
meneurs,
Ils ont gagné la frontière.
C’étaient tous des souteneurs

Et des rôdeurs de barrière,
Des joueurs de vielle et des vidangeurs.
Que d’argent trouvé sur ces égorgeurs !
C’est vingt millions qu’emportaient Millière,
Enfin Delescluze était un forçat.
Fusillez-moi ça !
Fusillez-moi ça !
Pour l’amour de Dieu, fusillez-moi ça !
    Rochefort a raison d’écrire :
    « Après les massacres de 1871, le vieux combattant a
senti la poudre et tout le sang répandu lui est remonté à la gorge. Ah ! les
Versaillais peuvent être tranquilles. Leur mémoire ne périra pas. Ils ont
trouvé leur Juvénal. »
    Ici fut l’abattoir, le
charnier ! Les victimes

Roulaient de ce mur d’angle à la grand’fosse
en bas.
Les bouchers tassaient là tous nos morts anonymes,
Sans prévoir l’avenir que l’on n’enterre pas.
Pendant quinze ans, Paris, fidèle camarade,
Déposa sa couronne au champ des massacrés.
Qu’on élève une barricade

Pour monument aux Fédérés !
    La satire de Pottier trouve des formules définitives d’une
belle brutalité. Voici la guerre :
    Souffleté, l’Évangile
émigre,
Les apôtres s’en vont bernés,
Ô patrie ! un reste de tigre

Rugit dans tous les « cœurs bien nés » !
On chauffe à blanc votre colère,
Peuples sans solidarité,
Mis au régime cellulaire

De la nationalité.
L’obus déchire la nuit noire,
Le feu dévore la cité ;
Le sang est tiré… Viens le boire !
Toi, qu’on nomme l’Humanité !
    Je voudrais tant citer que chaque ligne de commentaire me
coûte…
A-t-elle vieilli l’étonnante chanson de Jean Misère :
    Décharné, de haillons
vêtu,
Fou de fièvre, au coin d’une impasse,
Jean Misère s’est abattu.
« Douleur, dit-il, n’es-tu pas lasse ? »

Ah ! mais…
Ça ne finira donc jamais ?
    Malheur ! Ils
nous font la leçon,
Ils prêchent l’ordre et la famille ;
Leur guerre a tué mon garçon,
Leur luxe a débauché ma fille !
Ah ! mais…
Ça ne finira donc jamais ?
    Comme tous les vrais révolutionnaires, le poète, pourtant, ne
désespérait point. Devant les tombes mêmes, il savait retrouver en lui-même la
confiance des forts. Deux mois après la semaine sanglante, réfugié à Gravesend,
il écrivait ces strophes-ci :
    La mort a fait double
saignée :
Guerre civile, invasion,
Toute la nature indignée

Doit se tordre en convulsions.
J’ai soif de sa haine robuste,
Soif d’un chaos diluvien.
Eh quoi ! toujours ton calme auguste…
Ô foret, tu ne sais donc rien ?
    On a mitraillé les
guenilles,
La misère étant un forfait…
    Quoi, toujours
empourprer les cimes…
Ô soleil, tu ne sais donc rien ?
    Le bourgeois succède
au Prussien.
Quoi, toujours ton brouillard de fée,
Lointain bleu, tu ne sais donc rien ?
    Et se donnait, tout à coup, cette réponse à lui-même :
    C’est naissance et non
funérailles,
Répond la sombre humanité.
Ne vois-tu pas que mes entrailles

Vont enfanter l’égalité ?
Éponge le sang qui nous

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