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Retour à l'Ouest

Retour à l'Ouest

Titel: Retour à l'Ouest Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Victor Serge
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épopée
    29-30 mai 1937
    Que cette épopée se soit déroulée loin de nous, n’en diminue
ni la grandeur ni l’importance significative. Depuis 1928, des armées
communistes [résistent victorieusement [124] ],
au cœur de la Chine, à la dictature du Kuo-Min-Tang [125] , parti national
bourgeois. Depuis 1928, des républiques soviétiques existaient là-bas, sur
lesquelles la presse communiste de tous les pays nous donnait quelquefois d’étonnantes
informations. Les journaux de Moscou, et, avec eux,
L’Humanité
comme toutes les autres feuilles de même
inspiration, publiaient, il n’y a pas longtemps – trois ans si je ne me trompe
– que la Chine soviétique, peuplée de plus de quarante millions d’habitants, occupait
un territoire plus vaste que la France. Et c’était peut-être vrai, la Chine
tout entière étant en somme un continent plus grand que l’Europe.
    L’origine de ce mouvement remontait à la grande révolution
populaire de 1927 [126] ,
qui fut vaincue exactement comme l’ont été toutes les révolutions du XIX e siècle. Les événements s’y accomplirent conformément à un vieux schéma analysé
à fond par Marx dès 1848 et demeuré, hélas ! singulièrement valable jusqu’à
nos jours – et pas seulement en Chine. Dans la première phase de l’action des
masses, la bourgeoisie et les classes moyennes soutinrent le bon peuple contre
les féodaux, les banques et les gros industriels liés à l’étranger, les richissimes
entreprises étrangères. La révolution, à la fois nationale et plébéienne, remporta
d’éblouissantes victoires. Telle fut la campagne qui conduisit l’armée de
Tchang Kaï-chek de Canton à Shanghai ; telle fut l’insurrection de
Shanghai, métropole commerciale du Pacifique, prise par les syndicats. Le chef
d’état-major de Tchang Kaï-chek n’était autre qu’un Russe, intelligent et
valeureux, envoyé de Moscou avec une forte équipe de collaborateurs : Gallen,
de son vrai nom Blücher , aujourd’hui, maréchal de l’URSS
et commandant en chef de l’Armée rouge spéciale d’Extrême-Orient. Désormais en
possession d’un immense territoire et d’une puissante armée, le parti national
démocratique de la bourgeoise, le Kuo-Min-Tang, se retournera tout à coup
contre les masses ouvrières et paysannes auxquelles il devait tout, mais dont
il redoutait les aspirations socialistes.
    Par un coup de force militaire, Tchang Kaï-chek massacra les
syndicats de Shanghai. Il y eut des tueries sans nombre, les classes
laborieuses furent matées, la révolution enrayée. Ne posons pas ici la question
complexe des responsabilités : c’est en grande partie là-dessus que le
parti communiste russe se divisa en 1928, l’opposition de gauche reprochant à
Staline d’avoir conduit la révolution chinoise à ce désastre.
    Toujours est-il que, sur une directive de Moscou, après la
défaite de l’insurrection de Canton de novembre 1927, les communistes chinois
battus, dans les grands centres, se retirent dans des régions montagneuses, y
commencent la guerre des partisans, y soulèvent les paysans, y forment des
républiques soviétiques. Saura-t-on jamais quel héroïsme se dépensa dans ces
luttes ? Quel tenace effort d’organisation y fut poursuivi ? Un
régime copié sur le système russe, avec des formations de parti, de jeunesses, de
femmes, de pionniers, des écoles politiques, un Guépéou (et qui se comporta
comme le vrai, par ordre, contre les mêmes éléments), s’installait, vivait, réveillait
les masses. On vient de publier en français le livre d’Agnes Smedley,
La Chine rouge en marche
, plein de
pages bouleversantes sur ces sujets [127] .
J’ai feuilleté en URSS les recueils de lois et décrets de la Chine soviétique, du
plus haut intérêt…
    En 1935, après l’entrée de l’URSS dans la Société des
Nations, un grand changement s’accomplit. Les armées rouges commandées depuis
huit ans par Mao Tsé-toung évacuent les régions peuplées du centre, abandonnent
les territoires soviétisés et se retirent vers les steppes de l’intérieur, puis
vers le nord, tendant à se rapprocher de la Mongolie (soviétique [128] ). Ce n’est pas
sans briser des cercles de fer qu’elles franchissent ainsi des milliers de
kilomètres. Il n’y a plus de Chine soviétique, il n’y a plus que des armées
communistes errantes, accomplissant une vaste manœuvre, malaisée à comprendre.
    Aujourd’hui la manœuvre semble finie

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