Retour à l'Ouest
et avec elle l’épopée. Les
armées rouges de la Chine viennent d’être licenciées après dix années de
combats ininterrompus. Exécutant les directives de l’Internationale communiste
sur la conversion aux fronts populaires et passant de la lutte des classes à la
formation de fronts nationaux contre les adversaires probables de l’URSS dans
une guerre possible, les communistes chinois font, à partir de fin 1936, des
ouvertures de paix au Kuo-Min-Tang. En février dernier, le Comité central de ce
parti formule ses exigences : « 1. Licenciement de l’Armée rouge ;
2. Liquidation des Soviets ; 3. Cessation de la propagande communiste ;
4. Abandon de la doctrine de lutte des classes ». En d’autres termes, capitulation
complète. Des négociations s’engagent sur cette base avec le Comité central du
parti communiste chinois qui obtient quelques satisfactions médiocres. Il
réclame les libertés de parole, de presse et de réunion et les obtient « sauf
pour la propagande communiste » ! Il demande l’amnistie pour les
prisonniers politiques et l’obtient « pour ceux qui font preuve de
repentir ». Il demande un congrès national et en obtient la promesse ;
mais c’est le parti du dictateur Tchang Kaï-chek qui organisera le congrès :
il demande l’organisation de la résistance contre le Japon et obtient à ce
sujet le renouvellement des assurances coutumières…
L’accord est virtuellement conclu. Le général Tchang
Kaï-chek devient, pour les communistes qu’il fit décapiter par milliers, le « Libérateur »
et le « Pacificateur ». Aux dernières nouvelles, les armées rouges de
Chine seraient en voie de réorganisation et d’incorporation dans les forces
régulières du gouvernement de Nankin.
Le parti communiste changera de nom si ce n’est fait à cette
heure, pour que le mot communiste disparaisse de toute propagande…
Le
Shanghai Evening
Post
, journal américain, écrivait le 8 janvier : « Le
gouvernement national est contre le communisme, mais si les communistes se
déclarent aussi contre le communisme, l’unanimité est possible… » Un autre
numéro du même journal constate avec satisfaction que « les ex-communistes
ont renoncé à tout leur programme… » Les Soviets chinois ont vécu. L’épopée
est finie.
Fièvres en Tunisie
5-6 juin 1937
L’exploitation capitaliste ne revêt nulle part des formes
aussi monstrueuses qu’aux colonies. Tout est permis contre l’indigène. La
dureté patronale s’aggrave de mépris pour la race inférieure des vaincus. L’arbitraire
administratif, l’inexistence des libertés démocratiques, le désir, chez l’Européen,
de bâtir des fortunes faciles contribuent à perpétuer des régimes passablement
infernaux… Il a fallu des siècles aux pays les plus civilisés pour en arriver à
des modes de colonisation qui ne soient pas exclusivement fondés sur la
chicotte, le sabre, le revolver… Tout cela, le drame inqualifiable de Métlaoui
l’eût rappelé à l’opinion ouvrière, si le temps présent n’était si noir. Un
petit massacre d’indigènes, dans un coin perdu de la Tunisie, n’a pas grande
importance évidemment, au moment où, sous l’égide d’un Comité de
non-intervention, deux États totalitaires versent à flots le sang de l’Espagne.
Efforçons-nous pourtant de ne rien oublier. Nous dressons le compte des iniquités.
Nous mettons ce monde en accusation. Et comme les problèmes de cette importance
se tiennent de très près (à preuve le rôle des Marocains dans la guerre d’Espagne),
saisissons la bonne occasion de jeter quelque lumière dans un coin noir…
Dans les premiers jours de mars, une grève éclate aux mines
de phosphates de Métlaoui, dans le Sud-Ouest tunisien. Grève purement
économique provoquée par une exploitation inhumaine : les travailleurs des
mines exigent l’application de la journée de huit heures ! Le 4 mars, au
matin, la direction de la mine et l’autorité locale tiennent un véritable
conseil de guerre. Notez que nous sommes en présence de réactionnaires fieffés
forts contents de créer dans le protectorat de gros ennuis au gouvernement du
Front populaire. Faire tirer sur des grévistes afin que la responsabilité du
crime retombe sur un gouvernement à direction socialiste, n’est-ce pas l’habileté
suprême ? Terroriser la population sur place, discréditer le cabinet Blum
à Paris, ce sera faire d’une pierre deux coups. Un
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