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Retour à Soledad

Retour à Soledad

Titel: Retour à Soledad Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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pour cent, et les officiers touchent, suivant leur grade, de trois à cinq pour cent. Nous connaissons un capitaine de la marine des États-Unis qui a empoché, pour une seule prise, plus de trente mille dollars ! précisa Colson.
     
    – Le Sud paie fort cher tout cela et ce que nous vendent les Anglais, intervint Varina, se forçant, après une hésitation, à s'adresser au Noir comme elle l'eût fait à un Blanc.
     
    – Au prix des marchandises s'ajoute le prix du risque, fit observer Colson.
     
    – Sir Bertie, mon époux, dit que les forceurs de blocus prévoient, dans le prix qu'ils réclament, la perte d'une cargaison sur trois. Or, c'est une exagération odieuse. Vous venez de dire qu'un seul bateau sur dix est perdu. Le blocus et ceux qui en profitent sont cause de la ruineuse inflation qui sévit dans le Sud. Des gens s'enrichissent, ici comme en Angleterre, pendant que nos maris et nos fils se font tuer ! s'emporta Varina.
     
    – Cela profite aussi, madame, à notre colonie et aux Bahamiens. La perception des droits a gonflé les finances de Nassau, ce qui nous a permis d'éteindre la dette publique. La municipalité a pu faire aménager des trottoirs le long de Bay Street – qu'on appelle maintenant The Strand, par référence à la célèbre voie de Londres –, construire de nouveaux entrepôts, des écoles, un dispensaire. Certaines chaussées ont été madacamisées. Bientôt nos rues principales seront éclairées la nuit grâce au pétrole importé de Pennsylvanie. Nous allons aussi nous doter d'une vraie police en uniforme, car l'abondance attire les voleurs et les escrocs. Notre cité est devenue un carrefour du commerce maritime dans les West Indies. Elle concurrence les Bermudes et l'île de Cuba, précisa non sans fierté le notable.
     
    – Eh bien, si notre guerre peut faire chez vous avancer la civilisation, ce sera pour nous autres une petite consolation, soupira Winnie, amère.
     
    Irrité par cette sortie, lord Simon reprit la parole.
     
    – Peut-être ignorez-vous, Monsieur le Représentant, que cette prospérité, due à la guerre civile américaine et à la contrebande engendrée par le blocus, n'est pas sans conséquences sur la vie de notre archipel. Comme, à Nassau, vous manquez de débardeurs, de manœuvres, de maçons, de domestiques, d'employés de commerce, nos insulaires, attirés par les bons salaires, quittent les petites îles pour s'engager à New Providence. Les femmes les plus délurées s'en vont là-bas se faire servantes et finissent trop souvent dans la prostitution, activité fort rentable dans les ports, comme on sait, développa Cornfield.
     
    – J'ai perdu en quelques jours une douzaine de mes meilleurs pêcheurs d'éponges. Leurs femmes les ont suivis pour vendre aux étrangers les chapeaux de paille et les paniers qu'elles fabriquent. Cette émigration de nos Lucayens vers Nassau est très préjudiciable à la moralité générale, renchérit Lamia.
     
    – Tout cela est bien fâcheux, en effet. N'est-il pas encore à craindre que cette prospérité, née d'une guerre, ne dure pas plus qu'elle ? commenta avec bon sens l'épouse du représentant bahamien.
     
    Le repas étant achevé, lord Simon invita les hommes à passer au fumoir, laissant les femmes papoter.
     

    À la fin de l'été, Charles Desteyrac acheva l'installation et la mise en service des pompes flottantes, sur les trous bleus susceptibles de fournir de l'eau douce aux insulaires. Lord Simon n'avait pas voulu que le Cornfieldshire fût le seul secteur de l'île à bénéficier d'une distribution d'eau potable, système inconnu dans l'archipel, sauf à New Providence.
     
    Le village des Arawak, le village des artisans, celui des pêcheurs à Southern Creek, l'hôpital, la nouvelle résidence des marins de passage bénéficiaient déjà d'adductions d'eau et de fontaines quand on inaugura l'arrivée de l'eau courante à Cornfield Manor. Pompée dans une source souterraine découverte près de la demeure, l'eau était envoyée dans ce que Charles nomma, en technicien, un château d'eau, haute cuve de bois fabriquée par Tom O'Graney et ses charpentiers de marine. Installé au flanc de la colline, au-dessus du manoir, ce réservoir pouvait aussi recueillir l'eau de pluie.
     
    Suivant le principe des vases communiquants, l'eau collectée arrivait dans certaines pièces de la résidence par des tuyauteries dont lord Simon avait exigé « qu'elles n'offensent pas la vue

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