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Retour à Soledad

Retour à Soledad

Titel: Retour à Soledad Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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a fait coudre sur le ventre et la queue d'un gros poisson le buste d'une guenon, la femme du singe. Puis on a rasé les poils de sa face et pourvu sa tête de longs cheveux. Peut-être de vrais cheveux de femme, cette fois. Tu demanderas à ta marraine, lady Lamia, si elle a jamais rencontré une sirène depuis le temps qu'elle nage, comme ta maman, au milieu des poissons.
     
    – Alors, ce que dit Sima, c'est des histoires inventées ?
     
    – On appelle ça des légendes, des contes de fées. Dans les familles, on se les transmet de génération en génération. Souvent, ce ne sont que phénomènes naturels, autrefois incompréhensibles, mais que les progrès de la science finissent par expliquer, mon chéri, compléta Ounca Lou.
     
    – Il en existe dans tous les pays, en Angleterre et en France, bien sûr, conclut Charles.
     
    – Mais c'est pas bien, si on peut plus croire ses amis, constata Pacal, déçu.
     
    – Il ne faut pas leur faire de la peine ni se moquer d'eux. Ces histoires font partie de leurs coutumes, de leur façon de voir la vie, qui n'est pas la nôtre, recommanda Charles.
     
    – Alors, j'écouterai et je dirai rien. Comme ça, y croiront tous que j'y crois !
     
    Quelques jours plus tard, Timbo, premier confident de Pacal depuis la prime enfance, fournit au fils de Charles une explication différente, plus poétique que celle de Sima et moins décevante que celle, toute scientifique, avancée par ses parents.
     
    – P'tit mossu, c'te lumiè' que tu vois qu'èque fois sur la mé', c'est la t'aînée du bateau des Ocean's ladies , les dames de la mé'. C'est un beau navi' que les humains doivent pas voi'. Il est couvè' de plaques d'o' p'is pa' les Ocean's ladies aux méchants Espagnols qui ont tué les Indiens pour avoi' leu' t'éso'.
     
    – On peut pas attraper ce bateau ?
     
    – Non ! Si tu veux le suiv'e, les Ocean's ladies font sorti' des 'ochers pointus devant ton bateau, y se casse et tout se noie.
     
    Parce qu'elle ne comportait aucune violence inutile, l'explication donnée par Timbo, que Pacal rapporta à ses camarades, fut admise comme la plus plausible. Et le fils d'Ounca Lou, déjà fort habile en dessin, fit un croquis de la nef des Ocean's ladies cinglant sous la lune. Il l'offrit à Shakera, fille de Wyanie, sa compagne préférée, en lui recommandant de ne montrer à personne cette représentation d'un bateau qu'aucun œil humain ne devait voir.
     
    À quelque temps de là, Charles et Ounca Lou, en visite comme souvent à Buena Vista, rapportèrent à lady Lamia, comme font tous les parents, les interrogations de Pacal sur la phosphorescence épisodique de la mer. Fish lady attendit que les domestiques se fussent retirés pour donner une autre version du phénomène.
     
    – Ma Mae, qui sert depuis l'âge de huit ans les Cornfield – elle lavait la vaisselle chez mon frère jusqu'à ce que je la débauche et lui apprenne à cuisiner – n'ignore rien du passé de la famille. Elle est persuadée que la lumière qui semble parfois monter du fond de l'océan révèle bien l'ouverture des portes de l'enfer, dont le feu éternel illumine soudain l'eau, comme dit Sima. Mais, pour elle, il ne s'agit pas de sirènes amoureuses, comme veulent le croire nos pêcheurs. Ma Mae dit savoir que le diable, ces nuits-là, permet à la seconde épouse de mon frère, Sidonia von Blocksberg, la mère d'Ottilia, de venir crier vengeance devant Soledad. Elle dit même l'avoir entendue nous maudire jusqu'à la septième génération, rapporta Lamia.
     
    – Vous m'avez souvent dit que cette Sidonia était une sorcière qui avait mérité son sort, observa Ounca Lou.
     
    – Vous savez tous deux comment cette mauvaise femme fut répudiée par mon frère, quand il sut qu'elle avait empoisonné sa première épouse pour prendre sa place. Et comment lord Simon fit faire justice...
     
    – Je n'ai jamais su comment il s'y prit pour s'en débarrasser en évitant le scandale, constata Ounca Lou.
     
    – « Seuls les requins pourraient le dire », cita Charles avec un clin d'œil à Fish lady.
     
    C'était la réponse autrefois donnée par celle-ci à la même question, posée par l'ingénieur.
     

    À Soledad, grâce aux journaux livrés chaque semaine par le bateau-poste, on suivait les développements de la guerre civile américaine. Le récit des batailles, les succès des uns, la retraite des autres suscitaient, le soir, au Loyalists Club, des commentaires

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