Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Retour à Soledad

Retour à Soledad

Titel: Retour à Soledad Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
Vom Netzwerk:
Simon de l'évolution de la guerre, demanda Tilloy.
     
    – Eh bien, après avoir étudié ensemble cartes et communiqués publiés par les journaux, et lu les rapports de nos correspondants américains, nous estimons en effet que le Sud, de plus en plus appauvri, perdra la guerre. On doit donner soixante dollars-papier pour obtenir un dollar-or à Richmond, et la viande y coûte six dollars la livre. Les banquiers, armateurs et négociants que nous connaissons n'engagent désormais plus d'affaires qu'à court terme – et après examen des garanties – avec les autorités de la Confédération. Nous entrons, mes amis, dans une période d'incertitude, défavorable au Sud, et je suis prêt à parier une tournée générale sur la défaite des esclavagistes, conclut le major, jovial.
     
    Comme tous les membres du club présents ce soir-là souhaitaient, sans enthousiasme, peut-être, mais par simple humanité, la victoire des abolitionnistes du Nord, personne ne releva le pari d'Edward Carver. Il fut simplement convenu que l'on accepterait qu'il régalât les membres du Loyalists Club le jour où la paix, sinon l'entente, serait rétablie entre les États américains.
     

    L'année ne s'acheva pas sans qu'une de ces colères torrides, dont lord Simon avait le secret, ne vînt terroriser pendant douze heures la domesticité de Cornfield Manor. Quand le maître de céans se mit au clavier de son orgue pour humilier Jean-Sébastien Bach après avoir écrasé à coups de poing un guéridon Adam en bois fleuri de Ceylan – cadeau fait en 1780 aux Cornfield par Sa Grâce le duc de Hamilton –, on sut que la tempête était passée. Les lévriers quittèrent leur cachette et revinrent s'allonger sur la galerie, Pibia osa déposer près de l'organiste courroucé un verre de jus d'ananas et, dans les communs, le caquetage des lingères reprit mezza voce.
     
    – Qu'on aille me chercher Charles Desteyrac et le capitaine Tilloy ! lança lord Simon émergeant, le teint cramoisi et les sourcils hérissés, de son accès de fureur.
     
    Tandis que Pibia envoyait des valets chez les Desteyrac et au Loyalists Club, Cornfield s'enferma dans son cabinet de travail après avoir fait pivoter, face au mur, sur sa sellette, la tête de cristal de roche tirée de la fuente del Ángel. La lumière de fin d'après-midi allumait dans le regard de pierre du fétiche inca des reflets insolents et moqueurs.
     
    La convocation péremptoire de lord Simon atteignit Charles à Valmy alors qu'il se préparait à passer à table. Après s'être assuré auprès de l'envoyé de Pibia qu'il n'y avait pas de drame à Cornfield Manor, et avoir appris qu'une lettre, arrivée le matin même par le bateau-poste de Nassau, avait paru contrarier lord Simon, l'ingénieur prit le temps de dîner avant de faire atteler pour se rendre au manoir. Il y trouva Mark Tilloy, cueilli au club par un autre valet, qui, sur la galerie, attendait Charles.
     
    – Le Vieux est de fort méchante humeur. Il m'a jeté entre deux grognements qu'il attendrait votre arrivée pour commencer l'entretien. « Je ne veux pas répéter ce que j'ai à dire », m'a-t-il lancé.
     
    – Eh bien, entrons dans la cage au fauve ! fit Charles.
     
    Ils trouvèrent Simon assis derrière son bureau, jouant nerveusement avec le poignard indien qui lui servait de coupe-papier. Son air, plus confus et ennuyé que furibond, les rassura.
     
    – Mes amis, je vais solliciter de vous un service que le vieil homme que je suis répugne à demander. Malcolm Murray a encore fait des siennes à Nassau. Je viens d'être informé, par un message particulier du gouverneur, que mon gendre est retenu dans la capitale par les autorités locales. Il ne pourra quitter New Providence qu'après avoir honoré ses dettes de jeu. Parmi ses créanciers figurent le neveu de l'évêque de la Jamaïque, un banquier canadien et un sucrier espagnol de Cuba. D'autres joueurs, moins recommandables, au dire des informateurs du gouverneur, détiendraient aussi des reconnaissances de dette.
     
    – Des gens de qualité, en somme, risqua Charles, caustique.
     
    – Les gens de qualité ne jouent pas pour l'argent, Charles. Ils jouent pour le plaisir de la spéculation intellectuelle, comme nous le faisons à Cornfield Manor, rétorqua lord Simon.
     
    – Un joueur incapable de régler ses dettes doit être mis en prison. C'est ce que prévoit la législation britannique, y compris dans les colonies de

Weitere Kostenlose Bücher