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Retour à Soledad

Retour à Soledad

Titel: Retour à Soledad Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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bien des choses. Et puis, c'est un gaillard franc et jovial, ayant appris les manières, et qui, je dois le reconnaître, inspire la sympathie. Il a commencé dans la vie comme son père, en élevant des porcs, puis il a acheté un bateau pour transporter du bétail sur le lac Michigan. Il fut le premier à se risquer, sur un petit vapeur, à passer les rapides de Sault Sainte-Marie, entre le lac Huron et le lac Supérieur, pour ravitailler la centaine d'habitants de Duluth où il chargeait du minerai de fer des mines de Vermilion et Mesabi Ranger. Depuis deux ans, un canal de mille six cents mètres permet d'éviter les rapides, et les bateaux de Picker ont conservé une sorte de monopole sur ce trajet. Il est aujourd'hui propriétaire de deux compagnies de navigation, les Picker's Lines, dont une assure une liaison quotidienne très profitable entre Chicago et Milwaukee. Il possède aussi plusieurs immeubles sur Michigan Avenue et habite une superbe maison dans la Golden Coast, le quartier huppé de Chicago. Je me suis laissé dire par des marins que d'autres navires de Kurt Picker transportent des Noirs à destination des plantations du Sud. Mais, à New York, on dit cela de tous les armateurs, acheva Tilloy.
     
    Après ses considérations sur l'évolution désastreuse de la société britannique, Lord Simon avait été assailli de questions par ses invités. Souhaitant changer de sujet, il avisa les deux amis tête à tête, et les rejoignit.
     
    – Tilloy vous a tout expliqué, j'imagine, dit-il à Charles.
     
    – Sauf les causes de la crise financière qui a compromis son mariage avec votre petite cousine.
     
    – Oh ! l'explication en est simple. On a étiré des lignes de chemin de fer à travers des déserts et l'on s'est aperçu qu'il n'y avait ni voyageurs ni fret pour assurer des profits. On a emprunté à des taux usuraires pour spéculer sur les terrains à bâtir là où l'on ne bâtit pas ; les agriculteurs pestent contre les droits de douane ; le blé de l'Ouest pourrit dans les silos ; les industriels de l'Est, recevant moins de commandes, mettent leurs ouvriers au chômage ; les gens ne portent plus d'argent aux banques ; le Trésor public constate une forte baisse dans la rentrée des taxes et il y a, ici et là, des manifestations d'affamés. La spéculation, maladie américaine, est une forme de rapine, et la boulimie de richesse un défi au bon sens, conclut Cornfield, rageur.
     
    – C'est ainsi que l'hyménée de Mark a tourné court, commenta Charles.
     
    – Rien à regretter. Les filles de Jeffrey sont des gourgandines et je suis sûr qu'un jour Mark Tilloy trouvera une femme digne de lui, car c'est un bon garçon, assura lord Simon en donnant une aimable bourrade au marin.
     
    Quand Cornfield s'éloigna pour rejoindre d'autres invités, Charles s'enquit de l'avenir du fiancé répudié.
     
    – Lord Simon ne vous l'a peut-être pas encore dit, mais il souhaite maintenant posséder un vapeur. Nous avons eu à bord des querelles épiques avec Lewis Colson pour qui un bateau ne peut vivre que des vents. Hors de la voile, point de salut pour un marin de sa génération ! Mais, il faut le constater, le port de New York reçoit maintenant plus de vapeurs que de voiliers. Lord Simon a rendu visite au commodore Cornelius Vanderbilt, qui a fait fortune en transportant de New York à San Francisco des milliers de chercheurs d'or, et à Samuel Cunard, dont les transatlantiques battent, chaque mois, des records de vitesse entre New York et Liverpool. Même si son goût atavique d'aristocrate britannique le porte à préférer lui aussi la voile, il est revenu convaincu qu'un navire à vapeur est plus rapide et plus sûr qu'un voilier. Or, Jeffrey Cornfield, quand il pensait créer sa propre compagnie de navigation, m'avait envoyé en Angleterre aux chantiers Laird Brother's Yard, à Birkenhead, pour faire construire un petit vapeur de fer de trois cent cinquante tonnes. L'achèvement du bateau est suspendu depuis des mois, car Jeffrey n'avait plus les moyens de payer le chantier. Lord Simon a décidé, à New York, de racheter le vapeur inachevé à son cousin, façon comme une autre d'aider Jeffrey. Il a, depuis, payé ce qui restait dû aux constructeurs qui se sont remis au travail. Dès que le navire sera prêt à naviguer, j'irai, comme commandant, en prendre possession. Je dois dire que commander le vapeur du lord des Bahamas me console de mes déboires passés, confia

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