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Retour à Soledad

Retour à Soledad

Titel: Retour à Soledad Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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intrigues amoureuses des célébrités, l'hôtel Meurice, les restaurants Tortoni et Vefour, les cafés-concerts, l'Opéra, le Théâtre-Italien, le musée du Louvre, les courses à Longchamp, l'éclairage au gaz, le télégraphe électrique, la belle avenue dédiée à la reine Victoria depuis 1855 et les élégantes en robe à crinoline « furieusement encombrante », d'après lord Simon, constituaient une moisson de souvenirs qu'ils distilleraient au fil des jours.
     
    Murray rapportait de Paris un recueil de poèmes sulfureux, les Fleurs du mal , récemment publié par un certain Charles Baudelaire que la justice poursuivait pour immoralité, ce qu'il désapprouvait fort.
     
    – La poésie n'a pas à être morale. Elle peut traduire, par la musique des mots, tous les désirs, douleurs, bons et mauvais instincts de l'homme. Il faut du courage pour être poète ! asséna l'architecte.
     
    Comme Ottilia, Malcolm ne tarissait pas d'éloges sur un tableau de Gustave Courbet, les Demoiselles des bords de Seine , qu'il n'avait pas eu, hélas, le temps de faire copier.
     
    – En somme, tout est pour le mieux dans le meilleur des empires possibles ! ironisa Charles.
     
    Un peu agacé par la séduction qu'avait exercée sur ses amis le Paris de Napoléon III, il fut tenté de rappeler le coup d'État de 1851, les quatre cents morts des émeutes, les neuf mille opposants transportés en Algérie, mais il s'abstint. Si, comme l'avait regretté lord Simon, l'Angleterre victorienne n'était plus celle de William Beckford, la France impériale n'était plus la sienne, et Soledad devenait sa patrie.
     
    Mark Tilloy, que le transport des bagages avait longtemps retenu, se présenta à Cornfield Manor alors que les invités de lord Simon avaient déjà vidé plusieurs bouteilles et dévasté les plateaux de canapés et de friandises.
     
    Charles l'entraîna dans une embrasure, impatient de connaître les raisons qui rendaient l'officier de marine à Soledad.
     
    – Mon cher, je suis aujourd'hui allégé de toutes mes illusions. Mes fiançailles avec Ann n'ont pas résisté à la crise financière qui sévit, depuis l'an dernier, aux États-Unis, où les prix de gros ont baissé de quinze pour cent. Savez-vous que quatorze compagnies de chemins de fer ont fait faillite, que des banques ont dû fermer leurs guichets, que des compagnies d'assurances, comme l'Ohio Life Insurance, de Cincinnati, sont dans l'incapacité de faire face à leurs engagements ? Certains jours, ce fut la panique à Wall Street comme à Washington Square, chez Jeffrey Cornfield. Le cousin de lord Simon a renoncé à la compagnie de navigation dont il m'avait confié, en même temps que sa fille, la création. Pour sauver ce qui pouvait l'être, cet homme, victime, comme d'autres, de ce qu'un journaliste new-yorkais a appelé « l'aridité despotique du gain », a vendu – oui, vendu, c'est bien le mot ! – sa fille Ann à un homme de Chicago, un certain Kurt Picker, en fait Pickermann, qui pourrait être son père ! débita Tilloy, incapable de contenir une indignation que le temps n'atténuait pas.
     
    – Et Ann a accepté cette... transaction ?
     
    – Ann, mon ami, comme sa sœur Lyne, a le feu sous son jupon. Elle attend d'un homme qu'il l'éteigne pour aussitôt le rallumer. Vous me connaissez, ce n'était pas pour me déplaire. Elle est aussi prodigieusement dépensière, passe ses après-midi chez sa couturière et sa modiste, sans compter ses coûteuses incursions chez Tiffany. Aussi, quand elle a compris que je serais incapable de maintenir ce train et que son père courait à la ruine, a-t-elle sauté au cou du Chicagoan 3 , dont la verdeur fait, paraît-il, merveille et qui s'emploie à rétablir les affaires du beau-père. Kurt Picker a échangé toutes les actions que détenaient Jeffrey, dans les chemins de fer et dans l'affaire d'exportation de son fils Henry, contre des actions de ses propres affaires de l'Illinois, apparemment très prospères. Et il a aussi renfloué la banque Cornfield and Co., devenant ainsi – car l'homme est malin – actionnaire principal de la banque et maître de sa destinée. Il a licencié le personnel, supprimé les comptes courants et les guichets pour faire de la banque un établissement de dépôts. Voilà l'affaire !
     
    – Faut-il qu'il soit amoureux pour pareillement s'engager ! fit remarquer Charles.
     
    – Il a cinquante-sept ans et Ann dix-huit, cela explique

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