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Retour à Soledad

Retour à Soledad

Titel: Retour à Soledad Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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polie que sincère, et se donnait l'air de l'aristocrate rassis, revenu de tout. Ayant sans doute entendu rapporter autrefois par son père et ses frères, en Caroline, les frasques du beau Malcolm, Myra devait le tenir pour un aimable et distrayant débauché.
     
    Ne pouvant espérer l'enjôler, il se résignait à jouer les grands frères, rôle qu'elle lui concédait tout en maintenant entre eux une distance mondaine. Aussi avait-il été écouté et entendu comme un conseiller sérieux quand il avait proposé un mariage de papier, pour la soustraire à une fratrie dont elle s'était formellement exclue. Malgré les handicaps, la connaissance que Murray avait des femmes l'incitait à penser, sinon à espérer, qu'un jour, peut-être, dans un moment de faiblesse, déçue ou titillée par une sensualité dont, en expert, il percevait les signes – une bouche large aux lèvres gonflées, un regard velouté, des seins dont le moindre frisson faisait darder les pointes sous la soie, une démarche de nymphe fessue sortant du bain –, il pourrait, par surprise, à la faveur d'une circonstance complice, cueillir cette fleur du Sud. Le soleil caressant du printemps tropical, les bains de mer tièdes, les soirées sur la galerie, à l'heure mauve, quand cent poèmes vous reviennent à la mémoire, les nuits parfumées de mille effluves douceâtres composaient un philtre aphrodisiaque dont il pouvait tout attendre.
     
    Charles Desteyrac s'amusait de voir son ami afficher envers Myra la trompeuse indifférence du chat immobile, qui fait mine, yeux mi-clos, de ne pas voir la souris pour la laisser approcher sans crainte de ses griffes.
     
    – Vous vieillissez, mon cher. Alors, finie la chasse aux pucelles ? La petite Myra, bien que fort désirable, ne semble pas vous inspirer, dit l'ingénieur au cours d'un aparté.
     
    – Elle est en réserve, souffla Murray avec un clin d'œil.
     

    Alors que, depuis une semaine, les intimes de Cornfield Manor se demandaient à quel célibataire du Cornfieldshire lord Simon oserait proposer un mariage de papier avec Myra, une mission conduisit à Soledad le HMS Hawk et son capitaine, John Maitland. La corvette de la Royal Navy, escadre de la Jamaïque, se rendait à Heart's Content, un port de Terre-Neuve où le Great Eastern , ancien paquebot géant failli, devenu navire câblier, achèverait de dérouler les trois mille miles d'un câble télégraphique, torsade de cuivre enfermée dans une gaine de caoutchouc. Ce câble, immergé dans l'Atlantique par trois mille mètres de fond, assurerait les communications entre l'Angleterre et les États-Unis.
     
    Reçu aussi chaleureusement que d'habitude au Loyalists Club, le capitaine Maitland fut flatté d'y trouver une invitation à dîner à Cornfield Manor. Le marin endossa son meilleur uniforme, épingla sur sa poitrine la Victoria Cross 6 que venaient de lui valoir ses actes de courage pendant la révolte des Noirs à la Jamaïque, et rejoignit la très distinguée compagnie conviée par lord Simon. S'il regretta l'absence de lady Ottilia, il jouit des minauderies prometteuses d'Emphie et Madge, les filles du pasteur Russell, plus délurées par leur séjour dans un collège américain que ne l'eussent souhaité leurs parents. On les devinait prêtes à s'adonner, maintenant en toute connaissance de cause, aux jeux auxquels Malcolm Murray les avait initiées quand, naïves et ignorantes, elles étudiaient chez lui le dessin.
     
    Maitland n'eût pas prêté grande attention à Myra si Mark Tilloy ne s'était entremis pour les réunir un instant sur la galerie, à l'heure des rafraîchissements.
     
    – Il faut tout de même que John connaisse de vue celle que notre lord va lui demander d'épouser, non ? glissa l'officier à Ounca Lou.
     
    – Je me suis laissé dire, mon cher Mark, que vous aviez décliné l'honneur de sauver cette jeune fille d'un retour au Sud, avança la jeune femme, mutine.
     
    – J'ai expliqué à lord Simon qu'il ne peut donner à Myra un mari platonique qu'elle sera conduite à souvent rencontrer sur l'île. Situation malsaine, à mon avis. Pour John, dont je sais qu'il a, comme beaucoup de marins, une maîtresse dans chaque port, l'affaire sera en revanche sans conséquence.
     
    Car, dès l'annonce de l'arrivée du HMS Hawk , le sort de Maitland avait été fixé. « C'est le mari idéal. Parfait gentleman. Esprit chevaleresque. Toujours à naviguer dans les West Indies et les Caraïbes. Le

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