Retour à Soledad
ciel et l'Amirauté nous l'envoient ! » s'était écrié lord Simon. « Rien ne permet de penser que John acceptera de donner son nom à votre petite cousine », avait risqué Charles, mis dans le complot comme tous les intimes du lord. « J'en fais mon affaire. L'actuel lord de l'Amirauté a été mon condisciple à Oxford. Nous étions bons amis. C'est lui qui, aujourd'hui, décide de l'avancement des officiers de la Navy. Notre Maitland ne manquant pas d'ambition, j'ai moyen de le convaincre. En attendant, pas un mot à la petite », avait déclaré Simon, péremptoire à son habitude.
À l'heure des cigares et du porto, comme prévu entre initiés, lord Simon entraîna le capitaine Maitland dans son cabinet de travail sous prétexte de lui montrer une vieille carte de l'archipel.
L'entretien, dont rien ne transpira, dura près d'une heure. Quand ils reparurent, lord Simon souriant, John Maitland presque grave, tous estimèrent l'affaire conclue.
Sur un signe de son père, Ounca Lou invita Myra à rejoindre les deux hommes. De leur conciliabule, la jeune fille et l'officier sortirent un peu confus, mais accordés.
– Mes amis, dit lord Simon, s'adressant à tous, le capitaine John Maitland, en vrai gentleman, accepte de donner à la fois son nom et la nationalité britannique à Myra Cornfield, ma petite cousine. Le Hawk doit repasser par Nassau dans deux semaines, au retour de Terre-Neuve, et nous les marierons. Chacun, ensuite, reprendra librement sa route. Maintenant, que Pibia nous apporte du vin de Champagne bien frais afin que nous célébrions... la Victoria Cross de John ! acheva le lord, marquant avec humour une hésitation lourde de sens.
– Façon très Cornfield de solenniser des fiançailles qui ne peuvent l'être, murmura le major Carver.
Dès le lendemain de ce contrat en forme d'accordailles, tandis que Maitland regagnait son bord, Myra écrivit à son frère aîné qu'elle s'était fiancée, avec l'assentiment de leur cousin lord Simon, à un officier de la marine britannique qu'elle comptait bientôt épouser, avec ou sans son autorisation. Elle ne reviendrait pas en Caroline du Sud.
Dans les délais prévus, ponctuel au rendez-vous, le HMS Hawk , retour de Terre-Neuve, mouilla dans le port de Nassau. Délivré par le bateau-poste, un message de Maitland provoqua aussitôt à Soledad l'embarquement à bord du Phoenix – car le maître de l'île préférait son vieux voilier à l' Arawak – de Myra et d'une petite compagnie. Lord Simon, témoin désigné, avec Malcolm Murray, d'un mariage pour lequel la dispense du gouverneur avait été obtenue sans difficulté, proposa aux Desteyrac de faire partie de la croisière. Plus entiché que jamais de son petit-fils, Simon tenait à offrir à l'enfant son premier voyage en mer. Sachant qu'Ounca Lou ne lui eût pas confié Pacal pour un cabotage dont tous les insulaires connaissaient les risques, il avait convié ses parents.
À bord, le garçonnet, émerveillé par les manœuvres des gabiers, passa le plus clair de son temps sur la passerelle, entre le commandant Colson et son grand-père. Soumettant les marins à un déluge de questions, il découvrit l'utilité des instruments de navigation, apprit le nom des voiles, la manière de lire la rose des vents, et, sur le loch, la vitesse du navire. Le timonier lui fit même, le temps étant calme, tenir un court moment la roue du gouvernail. Quand il eut demandé, l'air inquiet : « Comment on fait pour savoir où on est, sur la mer ? », Mark Tilloy lui montra comment faire le point avec le sextant. Au soir du deuxième jour, l'enfant – « amariné comme un hauturier », admit lord Simon – déclara à sa mère, au moment du coucher : « Je serai marin. »
Devant le Registrar General , les formalités du mariage de Myra furent rapides et tous apprécièrent que John Maitland, gentilhomme et complice avisé, offrît à son épouse de papier une aigue-marine simplement montée sur un anneau d'or.
– C'est une pierre qui, dit-on, fait se sauver le diable. Je souhaite qu'elle vous protège des méchants, commenta l'officier avant d'offrir son bras à Myra pour la conduire jusqu'au Royal Victoria Hotel, où lord Simon avait ordonné un lunch discret.
– On croirait des vrais mariés, risqua Mark Tilloy.
D'un mouvement du menton, il désignait aux Desteyrac Myra et John, engagés dans une conversation animée et
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