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Retour à Soledad

Retour à Soledad

Titel: Retour à Soledad Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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trouvaient souvent sans emploi et, partant, sans ressources. Ils quittaient New Providence, avec femme et enfants, pour s'employer dans les exploitations agricoles d'Eleuthera, de Cat Island ou d'Andros.
     
    Pendant quatre années fastes, les autorités locales, sous contrôle du représentant de la Couronne, avaient appliqué le système qui assure, depuis Guillaume le Conquérant, la fortune de Londres : le courtage. Les marchandises arrivant d'Europe, frappées d'une première taxe au débarquement, devaient en payer une seconde avant d'être chargées sur les forceurs de blocus. Les cargaisons de coton, que ces derniers rapportaient de Wilmington ou de Charleston, étaient, elles aussi, passibles de droits. De surcroît, le stockage dans les entrepôts, construits pour faire face à l'afflux de marchandises en transit, était payant. Cette fiscalité portuaire avait engraissé les finances publiques quand des douzaines de bateaux entraient ou sortaient de Nassau chaque jour, mais elle s'étiolait et produisait de moins en moins de droits. Les registres de la commanderie du port révélaient, à qui pouvait les consulter, que, depuis 1860, on avait enregistré seize mille mouvements de navires à Nassau et que les blockade runners avaient effectué, dans le même temps, plus de huit mille traversées entre l'archipel et les ports sudistes. Tout Nassau regrettait donc la belle époque de la guerre américaine et les autorités, osant un bilan de ce qu'elles nommaient par euphémisme « échanges commerciaux », révélaient que la valeur de ceux-ci était passée de 891 979 livres sterling en 1860, à 10 019 519 en 1864 2 .
     
    De la capitale à Soledad, les Bahamiens, Anglais de souche ou indigènes de toute couleur, savaient que l'archipel retournerait bientôt à une pauvreté endémique, incomprise des fonctionnaires du Colonial Office, à Londres. Pour ces comptables sédentaires, la paresse des Indiens, des mulâtres et des Noirs, ajoutée au manque d'esprit d'entreprise des colons, gagnés par l'indolence insulaire, suffisaient depuis toujours à expliquer une atonie économique que la contrebande de guerre avait masquée pendant quatre années.
     
    Lord Simon Leonard Cornfield, à qui les affaires extérieures aux îles assuraient de confortables revenus, savait qu'il lui faudrait, dans les mois à venir, fournir, à ceux de qui il se sentait à la fois le maître et le protecteur, des activités susceptibles de compenser la mévente annoncée des produits agricoles ou artisanaux dont Nassau avait fait, entre 1861 et 1865, une si rentable consommation.
     
    Cette préoccupation faisait l'objet de fréquents entretiens entre Simon et Charles, le seul homme, estimait le lord, capable de formuler des projets et de les réaliser. L'ingénieur pensait déjà au développement de la culture et de l'exportation des ananas et des fruits que produisaient, sur Eleuthera, aussi bien les vergers Cornfield que ceux hérités par Ounca Lou de ses grands-parents.
     

    Myra, la plus jeune fille du défunt Bertie III, réfugiée à Cornfield Manor, se vit bientôt rappelée à ses devoirs de Sudiste par une lettre de son frère aîné, promu chef de famille. Après la libération des combattants sudistes emprisonnés, la condamnation à mort et la pendaison du capitaine Henry Wirz, commandant du camp d'Andersonville, Georgie, qui avait infligé de si mauvais traitements aux prisonniers confédérés 3 , Bertie IV paraissait décidé, avec son frère cadet et ses beaux-frères survivants, à restaurer la plantation familiale. Il sommait donc sa sœur de regagner Clarendon House où, écrivait-il, il y avait « fort à faire » depuis qu'on ne pouvait « plus faire travailler les nègres ». Dans le cas où Myra différerait son retour, il viendrait lui-même « l'arracher aux délices d'une île dont le propriétaire a tiré grand profit de nos malheurs », menaçait-il.
     
    – Je ne veux pas retourner à Charleston. Je ne veux plus vivre comme j'ai vécu ! C'est ici qu'est la vraie vie, libre, franche, heureuse. Oh ! cousin, gardez-moi, je vous en prie, supplia Myra après avoir soumis l'ultimatum à lord Simon.
     
    – Au regard de la loi américaine, vous êtes mineure, et votre frère peut exiger votre retour par l'intermédiaire du consul des États-Unis à Nassau : voilà l'ennui, dit Simon de qui les connaissances juridiques étaient sans défaut.
     
    – Alors, que faire ?

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