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Retour à Soledad

Retour à Soledad

Titel: Retour à Soledad Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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intervint Charles.
     
    – Eh bien, nous en ferons venir de Floride, ou plutôt du Canada. Ils ont des forêts à ne savoir qu'en faire, conclut lord Simon avec humeur.
     
    Croyant chasser d'une pichenette des escarbilles au revers de sa redingote de lin blanc, il y traça de sales paraphes.
     
    – Dégoûtant ! s'écria-t-il, secouant son panama en s'éloignant de la machine.
     
    La pression devenue suffisante, Tilloy fut enchanté, avec un clin d'œil à Charles, de tirer trois notes insolentes du sifflet à vapeur, avant d'ordonner au mécanicien de mettre la locomotive en route.
     
    Une fois la machine sur la voie établie depuis plus de cinq ans, voiture et wagons accrochés, on se prépara au voyage inaugural, dont un deuil trop récent interdisait de faire une véritable fête.
     
    La voiture personnelle du lord, fabriquée à Chicago par George Mortimer Pullman 5 , sur des plans établis par Lowell et Charles, ne ressemblait en rien aux voitures des trains de luxe américains. Sous l'aspect extérieur d'une grande berline couleur aubergine, elle offrait un confort intérieur digne du wagon-salon de la reine Victoria. Banquettes de cuir rouge, parois tapissées de soie cramoisie, passementerie et portières à vitres coulissantes, ce douillet habitacle pouvait, enlevé de son plateau ferroviaire et fixé sur un châssis, se transformer en berline hippomobile de voyage.
     
    Lord Simon y fit porter Ann, puis convia Myra, Ottilia et Pacal à prendre place près de lui. Les ingénieurs Desteyrac et Lowell se serrèrent entre le chauffeur et le mécanicien, sur la locomotive, afin d'étudier son comportement.
     
    Le train, s'annonçant à coups de trompe, bramements cuivrés qui effrayaient les oiseaux, fit une première halte au village des artisans, où Uncle Dave, le tailleur Fili-Fili Percy, l'apothicaire Rupert Royston et le gérant italien du General Store, Pietro Belmonte, prirent place dans la voiture pour voyageurs, simple plate-forme meublée d'une série de banquettes abritées sous un dais de toile. Au cours d'un nouvel arrêt au village des Arawak, le cacique des Taino, Maoti-Mata, fut accueilli dans la berline du lord. Tout au long du parcours, la vitesse du train étant celle d'un cheval au petit trot, les garçonnets les plus audacieux, Indiens ou Noirs, sautaient en riant aux éclats sur les marchepieds des wagons, qu'ils abandonnaient pour recommencer leur jeu.
     
    Ce premier convoi mit plus de deux heures pour parcourir les vingt miles séparant le port occidental de Southern Creek.
     
    Le soir, au cours du premier dîner donné à Cornfield Manor depuis la tragédie de l'automne précédent, lord Simon se montra aussi enjoué qu'un enfant entré en possession d'un jouet depuis longtemps convoité.
     
    Il fut décidé que le Soledad Railway, ainsi pompeusement nommé par Lowell, effectuerait deux allers-retours par jour, entre le nord et le sud de l'île, afin de faciliter le déplacement des personnes et le transport des marchandises. La voiture du lord ne serait accrochée au convoi qu'à sa demande. Fish Lady accepta de confier au train les coquilles de la Buena Vista Conch Company, destinées à la fabrication de camées en France et en Italie, les éponges et les carapaces de tortues récoltées sur son îlot et promises à l'exportation, via le port occidental. En revanche, elle confirma son refus catégorique d'user d'un moyen de transport si bruyant et brinquebalant, dont la fumée empuantissait l'air et salissait le ciel.
     

    Cet été-là, lord Simon décida un voyage à Nassau à l'occasion de l'inauguration, par l'épouse du gouverneur, d'un buste de Shakespeare. Cette cérémonie mondaine agaça fort Malcolm Murray qui rappela en termes ironiques qu'on venait de procéder en Angleterre à la mise en vente, à Stratford-upon-Avon, de la maison du poète.
     
    – Nous honorons notre plus grand poète au milieu des nègres, sous les tropiques, et nous cédons au premier venu la demeure où il est mort ! Et pas d'offre supérieure à mille neuf cents livres ! Quelle honte ! s'écria-t-il, une fois la statue dévoilée.
     
    Au cours du dîner qui suivit, on ne manqua pas d'évoquer l'achat récent, par les États-Unis, de l'Alaska à la Russie, pour sept millions huit cent mille dollars, et la remise en liberté de Jefferson Davis, ancien président de la Confédération des États du Sud, après deux ans de détention. Le général Robert E. Lee, fort respecté

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