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Retour à Soledad

Retour à Soledad

Titel: Retour à Soledad Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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étaient prêts au combat mais, quand ils virent leurs femmes et leurs filles servir de bouclier humain aux Espagnols, ils refusèrent de tirer pour se défendre, par crainte de nous tuer. C'est alors que Mercedes Varona, une fille de bonne famille, cria aux siens, qu'elle avait reconnus : « Faites feu ! Sans pitié ! Nous sommes prêtes à mourir ! » À peine avait-elle lancé ce cri qu'un capitaine l'étendit raide morte d'un coup de revolver. Ce fut le signal de la bataille au cours de laquelle périrent beaucoup de femmes, dont ma fille, la mère d'Anacona, qui était une Taino.
     
    Confié aux soins du docteur David Kermor, Malcolm Murray enfreignit la consigne du médecin et parut soudain dans le carré des officiers. Il confirma le dire de la Cubaine.
     
    – Les volontaires recrutés par les Espagnols sont de véritables barbares. Ils égorgent les femmes et les enfants, mettent le feu aux maisons dont les hommes sont absents. Un lieutenant a fait fusiller ensemble douze jeunes filles. S'ils retrouvent cette grand-mère et sa petite-fille, qui furent témoins de ces exactions parfois hypocritement condamnées par le gouvernement de Madrid, ils les tueront, précisa Malcolm.
     

    Bien que Charles Desteyrac et Lewis Colson, maintenant décidés à emmener la jeune Anacona à Soledad, eussent proposé à sa grand-mère de l'accompagner, la vieille femme ne voulut rien entendre.
     
    – J'ai à m'occuper de nos morts. Je dois aussi aider ceux qui vont les venger, dit-elle.
     
    Les Bahamiens n'assistèrent pas sans émotion à la séparation de l'enfant et de l'aïeule. Toutes deux versèrent des larmes abondantes et, quand Charles promit à la vieille dame de veiller sur sa petite-fille comme sur son propre fils, la Cubaine lui baisa les mains. Tom O'Graney la reconduisit à terre dans le canot de la goélette. Elle emportait des provisions et la somme réunie par l'équipage, qui avait pris la malheureuse en pitié.
     
    Pacal, à qui l'on avait épargné l'audition des récits effrayants de la vieille Cubaine, fut invité par son père, dès l'appareillage, à venir distraire la petite Anacona. Prostrée, silencieuse, des deux mains cramponnée aux accoudoirs du fauteuil où on l'avait assise, la fillette, impressionnée par le tangage de la goélette, parut s'apaiser en voyant approcher un garçon jeune et souriant.
     
    En dépit d'une curiosité qui l'eût incité à poser mille questions à la fillette, le fils de Charles commença par lui vanter les charmes de Soledad, une île bien plus petite que Cuba, mais toujours fleurie, où l'on ne rencontrait pas de méchants hommes.
     
    Il est dans la nature des jeunes êtres de passer en peu de temps du désespoir à l'espérance, du chagrin à l'entrain, du silence à la loquacité, de l'inappétance à la gourmandise. Au soir du premier jour de navigation, Anacona, revenue de ses frayeurs, récompensa d'un sourire timide celui qui s'affirmait déjà en chevalier servant.
     
    Le lendemain, Uncle Dave, familier depuis longtemps des Taino et des Arawak, fit, à l'heure du breakfeast, d'intéressantes révélations.
     
    – Anacona peut être traduit par Fleur-d'Or. C'était le nom de la fille d'un ancien cacique d'Hispaniola, pendu en 1501 par le commandant Francisco de Bobadilla. Un affreux bonhomme qui, succédant à Christophe Colomb comme gouverneur des Indes occidentales, renvoya l'illustre navigateur en Espagne, entravé de fers. Les Taino n'ont jamais eu l'heur de plaire aux Espagnols...
     
    À bord, tous constatèrent que la jeune Cubaine avait reçu une bonne éducation. Sa tenue à table, son langage, ses manières réservées la firent adopter, et, quand elle fut lavée et coiffée, Charles ne fut pas seul à découvrir qu'elle était plutôt jolie et bien faite, quoiqu'un peu maigre. De grands yeux bruns, un teint mat et rosé, une lourde chevelure à reflets cuivrés conféraient à cette orpheline le charme de certaines Cubaines au sang mêlé.
     
    En arrivant à Soledad, Uncle Dave tint à conduire Malcolm à l'hôpital, malgré les récriminations de l'intéressé.
     
    – Que craignez-vous ? demanda Charles au médecin au cours d'un aparté provoqué.
     
    – Les balles de fusil des Espagnols sont enduites de graisse, comme les autres. D'où risque d'infection. Le teint et le blanc de l'œil, un peu jaunes, de notre ami peuvent faire craindre un ictère... une jaunisse, si vous préférez. Si la balle du flanc droit n'a

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