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Retour à Soledad

Retour à Soledad

Titel: Retour à Soledad Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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Colson, guidés par un mulâtre dévoué au planteur, trouvèrent Malcolm Murray dans une ferme proprette. Veillé par une paysanne et ses deux filles, l'architecte montrait un visage d'une pâleur maladive. Amaigri, ne dissimulant pas sa lassitude, mais toujours d'esprit pugnace, il accueillit ses amis en sauveurs. Ragaillardi par leur présence, il se dit capable de les suivre.
     
    – Comment en êtes-vous arrivé là ? demanda Charles.
     
    – En tentant de faire évader de malheureux étudiants arrêtés par les Espagnols. Ils sont accusés d'avoir profané, au cimetière de La Havane, la tombe d'un certain Gonzalo Castañon, un journaliste, éditeur en Floride de The Voice of Cuba , tué quelques jours plus tôt en duel à Key West. Le corps de ce Castañon, châtié pour avoir injurié, dans sa feuille, les femmes cubaines, a été rapatrié à La Havane et enterré au cours d'une grande cérémonie orchestrée par les autorités espagnoles. Quelques jours plus tard, des étudiants de l'université de La Havane conspuèrent le mort en dansant autour de sa tombe. Cette pantomime déchaîna la fureur des volontaires contre-révolutionnaires cubains, plus brutaux encore que les soldats espagnols de l'armée régulière. Quarante étudiants ont été arrêtés. Ils seront jugés par une cour martiale, dont deux tiers des juges appartiennent au corps contre-révolutionnaire. Tous risquent la peine de mort et un seul avocat, nommé Capedevilla, a accepté de prendre leur défense 6 . Avec quelques créoles courageux, j'ai essayé de les faire évader en jetant de la dynamite contre la porte de la prison, mais nous étions attendus. Il faut savoir qu'à Cuba, les indicateurs sont légion : souvent des esclaves employés comme brancardiers ou fossoyeurs, qui détestent encore plus leur maître que les Espagnols. Ils renseignent les autorités en espérant une prime ou l'émancipation. Étant trahis, nous nous sommes repliés sous le feu des gardes. C'est ainsi que j'ai reçu deux balles.
     
    Il fut décidé de ne pas s'attarder sur l'île. Chez don Elíseo, on chargea sur la charrette des sacs de café et des boucauts de sucre entre lesquels on étendit Murray sur un matelas, et la troupe se mit en route pour Veradero. Chemin faisant, par nuit claire, les Bahamiens s'aperçurent qu'ils étaient suivis, derrière les buissons qui bordaient la route, par deux ombres furtives. Lewis Colson ordonna à Tom O'Graney d'aller voir, de plus près, qui étaient ces si discrets suiveurs.
     
    – Ce sont peut-être des indicateurs de l'armée, à moins qu'ils en veuillent à nos bourses. Les gens d'ici sont si pauvres ! prévint Malcolm tandis que les charpentiers s'égaillaient sous les frondaisons.
     
    Ils reparurent bientôt, poussant devant eux une femme âgée et une petite fille en haillons, toutes deux tremblantes d'effroi.
     
    – Cette vieille et cette gosse disent avoir échappé, ces jours-ci, à un massacre. La vieille est la grand-mère de la fillette. De toute leur famille, il ne reste qu'elles deux, expliqua Tom, qui avait interrogé l'aïeule.
     
    Lewis Colson fit donner à boire aux deux Cubaines, apeurées, serrées l'une contre l'autre. Il les rassura et leur demanda ce qu'on pouvait faire pour les aider, à part leur donner de la nourriture, si elles venaient jusqu'au Centaur.
     
    – J'ai vu le bateau anglais et je voudrais que vous embarquiez ma petite-fille avec vous. Ici nous n'avons plus rien : les contre-révolutionnaires ont tué mon fils, mon gendre et mes filles. Je suis très vieille et je mourrai bientôt. Mais conduisez ma petite-fille loin d'ici, s'il vous plaît, elle a eu si peur ! supplia la femme.
     
    – Venez jusqu'au bateau. Après, nous verrons, proposa Lewis, pressé comme tous de quitter Cuba.
     
    À bord du Centaur , tandis qu'on installait Murray dans une cabine, le maître-coq servit aux fuyardes un potage et des œufs, après qu'on les eut invitées à faire un peu de toilette.
     
    – Nous allons mettre à la voile, mais racontez-nous ce qui vous est arrivé, dit Colson en présence de Charles et de Rodney.
     
    – Il y a quelque temps, señor , les Espagnols sont venus dans notre village et ont obligé les femmes – nous étions une quarantaine de tous âges – à marcher devant leur troupe, encadrées par deux piquets de soldats. Ils allaient attaquer des mambis , parmis lesquels nos maris et nos fils qui se cachaient près de Las Tunas. Les patriotes

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