Retour à Soledad
est un rude dictateur, et l'on ne compte plus les scandales à la cour de Madrid, expliqua lord Simon.
– J'ai donc bien fait de vendre mes affaires cubaines, y compris les trois mille tonnes de sucre que j'ai exportées à Boston, révéla avec satisfaction Bertie III.
Lors d'un dîner organisé à Exile House par les Murray pour les gens de Charleston, on en vint à la querelle de plus en plus virulente entre abolitionnistes et esclavagistes. Le planteur, défenseur obstiné de l'institution particulière, rapporta que s'était tenue au mois de mai, à Vicksburg, dans le Mississippi, une convention commerciale des États cotonniers.
– Devant l'augmentation du coût de la main-d'œuvre, nous avons demandé au gouvernement de Washington d'abroger toutes les lois fédérales ou d'État interdisant l'achat d'esclaves. Les nègres sont indispensables à l'exploitation de nos terres, dit-il.
– C'est jeter de l'huile sur le feu. Les nègres libres du Nord n'ont nulle envie de retourner à l'esclavage. On croirait que vous faites tout pour provoquer leur colère ! intervint Ottilia.
– Vous devriez plutôt vous inspirer des propos modérés qu'a tenus, l'an dernier, Abraham Lincoln, renchérit lord Simon.
– Ce Lincoln, de qui on ne sait rien hors de l'Illinois, a été battu aux élections par Stephen A. Douglas, qui conserve son siège au Sénat, répliqua Bertie III.
– Et, cependant, certains journalistes, éblouis par la campagne de 1858 conduite par Lincoln, le voient en candidat républicain à la présidence de l'Union, précisa Murray.
– Au sein de son propre parti, il n'aurait aucune chance contre William Seward, un homme clairvoyant et qui répète partout qu'un conflit entre le Nord et le Sud est devenu inévitable, assura le planteur.
– Un jour, les nègres de Caroline du Sud se révolteront et, comme ils sont plus nombreux que les Blancs...
– Je ne crois pas, chère Ottilia, à un soulèvement généralisé des nègres, bien que John Brown les excite et tente de recueillir des fonds auprès des abolitionnistes les plus inconséquents pour acheter des armes. En revanche, je crois que l'Union sera dissoute et que le Sud deviendra une fédération indépendante. Nous n'aurons plus alors qu'un seul souverain : le Roi-Coton ! lança Bertie III.
– Notre cousine n'a pas tort, Bert. D'après notre gouverneur, la Caroline du Sud compte trois cent mille Blancs et quatre cent mille esclaves nègres, auxquels il faut ajouter près de dix mille nègres libres. Moi, que voulez-vous, j'ai un peu peur de l'avenir, intervint Varina, jusque-là silencieuse.
– Vous pourrez toujours vous réfugier chez nous si vous vous sentez menacée, proposa Malcolm, charmeur, en effleurant la main de Varina.
– Une Sudiste, fille de planteur et épouse de planteur, ne doit pas déserter devant un danger imaginaire, coupa sèchement Bertie III, portant sur sa femme un regard dénué d'aménité.
– Espérons que vous n'en arriverez pas là, dit Ounca Lou, conciliante.
– Quand le Sud aura conquis son indépendance, comme la Grèce et l'Italie sont en train de le faire, tout rentrera dans l'ordre ! pronostiqua le Charlestonien.
Après un mois d'attente, la réponse du gouverneur royal des Bahamas à la demande de Bertie III Cornfield se révéla décevante. En dépit de la recommandation de lord Simon, membre de la General Assembly et de la Court of Appeal à Nassau, le représentant de Sa Très Gracieuse Majesté ne pouvait accorder à un étranger l'autorisation de recueillir le guano sur les îles de l'archipel sans consultation du Colonial Office, à Londres.
– J'irai tenter ma chance ailleurs. On dit que les Turks and Caicos Islands, à l'extrême sud de l'archipel, sont indépendantes de Nassau depuis 1848. Leur gouverneur se montrera peut-être plus compréhensif que le vôtre, dit Bertie III.
– Cher cousin, après s'être considérés comme Bermudiens parce que Nassau frappait d'impôts leurs exportations de sel, les habitants de ces îles, couvertes d'étangs saumâtres transformés en riches salines, qu'exploite la Heneagua Salt Pond Company dans laquelle j'ai quelques intérêts, se sont fait rattacher à la Jamaïque. Ces îles sont donc propriété de la Couronne, comme les Bahamas, précisa Simon.
– Eh bien, je vais faire au gouverneur de la Jamaïque une demande semblable à
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