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Retour à Soledad

Retour à Soledad

Titel: Retour à Soledad Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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par la mitraille. Ce défilé de la victoire restera dans ma mémoire comme dans celle de beaucoup. Tu n'imagines pas combien nous avons été émus, et quel fut le délire de la foule quand, place Vendôme, devant la tribune officielle dans laquelle je me trouvais, l'empereur a pris sur son cheval le petit prince impérial, âgé de trois ans, vêtu de l'habit bleu et rouge des grenadiers de la garde. On ne pouvait toutefois oublier ce jour-là que cette guerre, qui sera surtout profitable aux Italiens, a fait, d'après les chiffres officiels que m'a confidentiellement communiqués Octave, deux mille six cents morts et dix-sept mille blessés chez les Français, cinq mille quatre cents morts et quarante-huit mille blessés chez les Autrichiens. À ces pertes il faut ajouter, comme dans toutes les guerres, des centaines de disparus et des milliers de prisonniers... »
     
    – Comme l'avait annoncé Louis Napoléon : « L'empire, c'est la paix ! » bougonna Charles après avoir lu à Ounca Lou le compte rendu de Mme de Saint-Forin.
     
    – Aucun de tes amis n'a participé à cette guerre ? demanda la jeune femme.
     
    – Fouquet, peut-être, car en temps de guerre on appelle dans le génie les ingénieurs des Ponts et Chaussées. Je ne sais rien de lui depuis longtemps. J'ose espérer que les travaux du canal de Suez – autre fantaisie bonapartiste ! – l'ont retenu en Égypte et lui ont ainsi épargné la mobilisation, dit Charles.
     
    – Sur notre île paisible, nous sommes si loin de ces massacres que je ne peux imaginer un monde en guerre. Comme nous sommes heureux, mon ami !
     
    – Oui, Ounca, nous sommes égoïstement heureux, concéda l'ingénieur avec un sourire mélancolique.
     
    Quand, au Loyalists Club, des membres évoquèrent devant le Français cette guerre d'Italie dont les journaux américains ne rendaient que parcimonieusement compte, Charles s'abstint de tout commentaire et détourna la conversation. Un républicain ne pouvait être fier de si coûteuses victoires.
     

    Quelques jours avant Noël, on découvrit, comme toujours avec retard, qu'une grande publicité était donnée par toute la presse américaine à ce que lord Simon ne pouvait plus appeler une échauffourée abolitionniste.
     
    Le 16 octobre, l'intrépide John Brown avait attaqué l'arsenal de Harpers Ferry, au confluent Potomac-Shenandoah, en Virginie, pour s'emparer de fusils destinés à « une vingtaine de Noirs cachés dans les Alleghany, qui, en deux ans, feraient disparaître l'esclavage ». Accompagné de cinq Noirs et seize Blancs, dont ses deux fils, Brown avait d'abord résolu, pour faire effet sur l'opinion publique, de rendre visite à un fermier des environs de Charles Town 3 , le colonel Washington, arrière-neveu du héros de la guerre de l'Indépendance, qui possédait deux armes de collection symboliques : un pistolet offert par La Fayette à George Washington et une épée ayant appartenu à Frédéric le Grand ! Après s'être fait remettre, sous la menace de leurs armes, les précieuses reliques, Brown et ses hommes avaient libéré les six esclaves du fermier, pris ce dernier en otage et s'étaient acheminés, dans la calèche de leur prisonnier et leur propre chariot, vers la ville et l'arsenal. L'alerte ayant été donnée par un domestique du fermier, la milice locale attendait le groupe quand celui-ci arriva en ville. Bien qu'il eût eu le temps de rassembler en route une quarantaine d'otages, Brown et les siens s'étaient trouvés, vingt-quatre heures plus tard, après des affrontements confus avec les miliciens, cernés dans l'arsenal qu'ils voulaient piller.
     
    L'intervention d'un régiment du United States Marines Corps 2 , commandé par le colonel Robert Edward Lee 1 , petit-fils d'un des signataires de la Déclaration d'indépendance, devait mettre fin à l'aventure. Dès le commencement des heurts, sur les vingt-deux abolitionnistes engagés, neuf avait été tués, sept s'étaient enfuis et, sur les six qui résistaient encore, quatre seulement, dont John Brown, tenaient en respect les otages, entassés dans la remise des pompes à incendie de l'arsenal. Un officier des marines 4 , sous protection d'un drapeau blanc, avait demandé à Brown de se rendre pour épargner la vie d'innocents citoyens. Celui qui se disait « invulnérable, parce qu'investi d'une mission divine », avait tergiversé avec tant d'aplomb que les marines, sur un signe du négociateur

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