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Retour à Soledad

Retour à Soledad

Titel: Retour à Soledad Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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de l'Indépendance, qui devint gouverneur de Virginie avant de se ruiner dans la spéculation sur les terrains, soupira lord Simon.
     
    – L'esclavage doit, certes, être définitivement et partout éradiqué, mais ne craignez-vous pas que le remède soit, pour tous, dans l'immédiat, Noirs et Blancs, pire que le mal ? demanda Ottilia.
     
    – Ma chère, on compte, dans les États cotonniers du Sud, deux millions et demi de Blancs pour près de deux millions de nègres. Si ces derniers se révoltent à l'approche des libérateurs nordistes, la cause abolitionniste triomphera dans le sang, dit Edward Carver.
     
    – « Autant d'esclaves, autant d'ennemis » : c'est un proverbe romain de l'an 400. Les Sudistes feraient bien de le méditer ! lança Charles Desteyrac, jusque-là silencieux.
     
    – Même si le Nord l'emporte, ce qui n'est pas certain, le fait de jeter dans la liberté des gens qui n'y sont pas préparés, ne sachant dans la plupart des cas ni lire ni écrire et n'ayant aucune connaissance des lois, constituera un réel danger pour les propriétaires d'esclaves. C'est pourquoi les habitants des Carolines ont fui les rives du chenal de Port Royal. Ils craignent d'être massacrés par leurs nègres, répéta Maitland.
     
    – Vous nous apportez là un précieux témoignage. Les journaux arrivent ici avec une quinzaine de retard et, suivant qu'ils viennent de New York ou de New Orleans, ils donnent des versions différentes des événements, conclut lord Simon, mettant fin à l'entretien.
     
    – Nous nous reverrons sans doute. Demain il y aura bal à l'hôtel, minauda Ottilia en tendant sa main à baiser.
     
    John Maitland vit dans ce geste un encouragement à poursuivre la relation amorcée par l'échange des regards.
     
    Quand tous reprirent leur marche vers l'entrée de l'hôtel, Ounca Lou, désignant sa demi-sœur d'un signe de tête, souffla à l'oreille de Charles :
     
    – Quelle impitoyable séductrice !
     
    – Oui. J'ai été le seul à résister, murmura Desteyrac en riant.
     
    – Croyez-vous ? répliqua Ounca Lou avec malice.
     

    Aux visiteurs de marque – et lord Simon passait pour le personnage le plus important de l'archipel après le représentant de Sa Très Gracieuse Majesté –, l'administrateur délégué du Royal Victoria Hotel, Walter Lancey, un Américain que l'on disait imposé par Samuel Cunard, se devait de faire les honneurs des lieux.
     
    De l'hôtel, longue bâtisse ocre rosé, édifiée dans un parc ombragé, on découvrait d'abord un avant-corps central, bâtiment imposant de deux étages, posé sur une galerie qui abritait, de part et d'autre de l'entrée, des salons de plein air sous arcades. Passé la porte, le touriste pénétrait dans un vaste hall confortablement meublé de fauteuils en rotin et de guéridons, d'où l'on accédait au bar, au salon de lecture – on y trouvait tous les journaux de New York apportés par les paquebots de la Cunard Line –, ainsi qu'au fumoir, à la salle de billard, à l'échoppe du barbier, au salon de coiffure pour dames. Ces commodités conféraient au palace bahamien l'aspect cossu d'un Savoy des tropiques. Au premier étage, un restaurant et des salons particuliers abondamment fleuris, éclairés par six hautes fenêtres sous arcs plein cintre, accueillaient les dîneurs. Au second, d'une loggia à colonnettes occupant toute la largeur du bâtiment, le regard découvrait, par-delà Bay Street et le port, la plaine bleue et mouvante de l'océan. Dans la partie longue de l'hôtel, qui se développait comme la barre horizontale d'un T de part et d'autre de l'avant-corps, appartements et chambres supportaient, par leur confort adapté au climat, la comparaison avec les meilleurs établissements de Londres et de Paris.
     
    S'étant informé, en tant qu'actionnaire, des tarifs pratiqués, lord Simon admit que, pour trois dollars par jour, repas compris, les visiteurs américains en avaient pour leur argent. L'administrateur confirma que les réservations allaient bon train et que la première saison d'hiver serait un succès si la guerre entre les États américains ne décourageait pas les touristes attendus de New York, Boston ou Chicago.
     
    – Sans cette odieuse rébellion des esclavagistes, à qui il est nécessaire d'imposer par les armes des sentiments plus chrétiens à l'égard des malheureux nègres qu'ils enchaînent, nous serions assurés de profits immédiats, expliqua l'homme, se

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