Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Retour à Soledad

Retour à Soledad

Titel: Retour à Soledad Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
Vom Netzwerk:
Lou.
     
    – Tel que je le connais, il compte sur la complicité de ces bestioles pour mettre, dans un coin tranquille, la petite blonde à l'abri des piqûres, ajouta Charles.
     
    – Vous devriez maintenant faire valser Ottilia. Ce serait charitable pour le beau Maitland qu'elle est en train d'enflammer, si j'en juge par son teint cramoisi. C'est qu'elle est forte, Otti, au jeu des fausses espérances, dit Mme Desteyrac.
     
    – Seul lui reste, vous le savez, le plaisir de séduire. Mettre les hommes à ses pieds la rassure, confirme une féminité d'apparence intacte, car peu d'entre nous la savent incomplète. Pour elle, éveiller le désir, c'est croire toutes les aventures possibles. C'est aussi manière de sublimer l'acte banal que sa nature particulière ne lui permet pas, dit Charles.
     
    – Comme elle doit souffrir dans son orgueil ! murmura Ounca Lou.
     
    – Elle souffre, soyez-en sûre, car au jeu des fausses espérances, il n'y a que des perdants, dit Charles.
     
    – Vous semblez la connaître mieux que nous tous, murmura Mme Desteyrac, un rien moqueuse.
     
    – La connaître, peut-être pas, mais la comprendre, oui. Pour cela, il me suffit d'imaginer quel supplice serait pour vous et moi l'amour qui nous unit s'il était privé du plaisir d'une mutuelle possession physique... fort agréable, ajouta Charles tendrement.
     
    – Allez la faire danser, maintenant, homme ininflammable ! ordonna Ounca Lou.
     
    Dès que la musique s'interrompit, Charles s'en fut inviter Ottilia.
     
    Comme chaque fois qu'ils dansaient ensemble, leurs pas s'accordèrent spontanément. Ils valsèrent un moment en silence, jouissant du simple agrément que procure aux vrais amateurs de valse le mouvement cadencé des corps, puis Ottilia interrogea Charles.
     
    – Vous aviez l'air bien sérieux, Ounca et vous. De quoi parliez-vous, si ma question n'est pas indiscrète ?
     
    – Nous parlions de vous, Otti. Nous vous trouvions belle. Belle à faire se consumer de désir un officier de la marine de Sa Très Gracieuse Majesté, dit Charles, décidé à toujours parler franchement à lady Ottilia.
     
    – Charmant garçon ! Il a une façon de faire la cour très élégante, mais avec l'assurance agaçante et le cynisme des beaux mâles qui ont l'habitude de cueillir les femmes comme des fleurs. Les fleurs qui ne résistent pas à la cueillette, bien sûr ! Je lui ai fait observer que j'étais mariée à l'honorable Malcolm Murray et, d'une certaine façon, fidèle à mon mari. Il m'a avoué avec aplomb : « Seules les femmes mariées m'attirent. Les autres veulent se faire épouser. Les femmes de marins, souvent seules et malheureuses, finissent par tromper le mari absent. » Je me suis amusée à le faire s'enferrer jusqu'à accepter, pour demain, une promenade en calèche. On voit bien ce qu'il espère, car je devine qu'il compte brûler les étapes. C'est un homme pressé, souffla Ottilia, amusée.
     
    – Un jour, à jouer ainsi avec le désir des hommes, vous finirez, en donnant des espoirs dont vous savez l'inanité, par meurtrir profondément un amoureux sincère, dit Charles.
     
    – Je n'en ai encore jamais rencontré, et ce n'est pas, rassurez-vous, le cas de John Maitland. Il m'a encore dit : « Je ne fais que passer. Comme tous les marins, je suis un éternel passant. » « Pourquoi me dites-vous cela ? » lui ai-je demandé. « Pour vous dire que je ne suis pas encombrant » : telle fut sa réponse, conclut Ottilia en riant.
     
    La danse achevée, il lui prit le coude pour la reconduire vers un groupe d'hommes en attente de cavalières.
     
    – Je vais vous rendre votre proie, souffla-t-il en voyant Maitland abandonner une jeune fille et se diriger vers eux.
     
    Mais Ottilia se déroba et prit le bras de Charles.
     
    – Allons respirer dans la loggia. Il fait affreusement chaud.
     
    Le moment n'offrait plus le spectacle promis un peu plus tôt par Malcolm à la naïve épouse de l'administrateur.
     
    Le vent de sud-ouest, levé au cœur de la nuit, comme souvent en cette saison, avait soufflé les lanternes vénitiennes des quais. Il ébouriffait les grands palmiers, secouait les stores, faisait claquer comme des fouets, au bout de leurs mâts, l'Union Jack, la bannière étoilée et le drapeau bahamien, autre drapeau britannique blasonné en son centre d'une île verte sur disque blanc, emblème de l'archipel. L'océan, noir abîme, se hérissait de vagues

Weitere Kostenlose Bücher