Révolution française Tome 1
« vagabonds les armes dont ils se sont emparés ».
On arrête et même on pend quelques brigands. Mais au même moment, la foule
brise les portes des prisons, libère ceux qui sont détenus pour « dettes, querelles,
faits de police… elle y laisse les prévenus de vol, de meurtres et autres
crimes ».
Et des gardes françaises livrent leurs armes au peuple, puis
défilent, boivent avec lui « le vin qu’on leur verse aux portes des
cabarets ».
Un témoin, le libraire Ruault, note :
« Aucun chef ne se montre dans ce mouvement tumultueux.
Ce peuple paraît marcher de lui-même. Il est gai, il rit aux éclats, il chante,
il crie “Vive la : nation !”. Et il engage nombre de spectateurs à
devenir acteurs avec lui dans le reste de la scène. »
Mais la crainte des pillages, des brigands, de l’attaque des
régiments étrangers est de plus en plus forte.
Les représentants des « électeurs parisiens », en
cette fin de journée du lundi 13 juillet, s’en vont aux Invalides demander au
gouverneur qu’il leur livre les armes de guerre, plusieurs dizaines de milliers
de fusils, conservées dans le bâtiment. Il refuse.
Mais le peuple a déjà acquis l’habitude de prendre ce qu’on
ne lui donne pas.
16
Nous voulons !
C’est le cri qui a traversé la nuit brûlante du 13 au
14 juillet 1789.
Et dans l’aube déjà étouffante, des bandes parcourent les
rues. Les hommes sont armés de broches, de piques, de fusils. Certains sont « presque
nus ». « Vile populace », murmurent les bourgeois.
Des groupes se forment devant les portes des maisons cossues,
celles d’ennemis de la nation et donc du tiers état.
Des hommes exigent qu’on leur ouvre les portes :
« On veut à boire, à manger, de l’argent, des armes. »
Dans la nuit, ils ont pillé le garde-meuble où sont
entreposées des armes et des armures de collection. Ils brandissent des sabres,
des coutelas, des lances.
Mais ce sont des armes de guerre qu’ils veulent.
« Des armes, des armes, nous voulons des armes », crient-ils
devant les Invalides.
Ils sont près de cinquante mille, qui ne se soucient guère
des canons qui menacent mais qui sont servis par des invalides, et ceux-ci ne
voudront pas tirer sur le peuple !
La foule piétine devant les fossés qui entourent les
bâtiments.
Des hommes apparaissent, portant au sommet d’une pique la
tête tranchée au coutelas de Flesselles, le prévôt des marchands, président de
l’Assemblée des électeurs parisiens, qu’on accuse d’avoir trompé le peuple, en
l’envoyant chercher des armes là où elles ne sont pas, à l’Arsenal, aux
Chartreux, aux Quinze-Vingts.
On s’y est précipité, on n’a rien trouvé, on a arraché
Flesselles à son fauteuil.
« Vous voilà donc, Monsieur le Prévôt, toujours traître
à la patrie ! »
On l’a tué d’un coup de pistolet, puis on lui a coupé la
tête, et elle dodeline, sanglante, au bout d’une pique.
« Nous voulons des armes ! »
On entend ce cri, au Champ-de-Mars, où sont rassemblés des
régiments d’infanterie, de cavalerie, d’artillerie, suisses pour la plupart, commandés
par le général baron de Besenval, suisse lui aussi.
Il attend des ordres, hésite, consulte ses chefs de corps :
les soldats sont-ils prêts à tirer sur les émeutiers ? Tous répondent par
la négative. Et le général baron de Besenval choisit de ne pas faire marcher
ses troupes vers les Invalides.
Il se demande s’il ne vient pas de décider du sort de cette
journée.
« Des armes, des armes. »
La foule escalade les fossés, défonce les grilles, se
précipite dans les caves, guidée par des invalides qui éclairent avec des
torches les fusils entassés, dont on s’empare, qu’on se passe de main en main.
On traîne douze pièces de canon, un mortier.
On brandit les fusils.
« Nous voulons de la poudre et des balles », crie-t-on
maintenant.
Il y en aurait à la Bastille, la vieille forteresse où le
roi enterre sur une simple lettre de cachet ceux qui lui déplaisent.
« À la Bastille ! »
Et ce n’est plus le poing qu’on brandit mais le fusil.
On court à l’Hôtel de Ville où siègent les représentants des
électeurs parisiens.
Un millier de personnes envahit la salle où ils délibèrent. Ils
sont pressés, menacés. Les baïonnettes effleurent leurs poitrines, et dehors
des dizaines de milliers de voix crient : « À la Bastille ! »
Les
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