Révolution française Tome 1
pique.
« La fuite de la famille royale est concertée de
nouveau, écrit-il… Cessez de perdre votre temps à imaginer les moyens de
défense. Il ne vous en reste qu’un seul : une insurrection générale et des
exécutions populaires.
Commencez donc par vous assurer du roi, du dauphin et de la
famille royale : mettez-les sous forte garde et que leurs têtes vous
répondent de tous les événements… Passez au fil de l’épée tout l’état-major
parisien de la garde nationale, tous les “noirs” et les ministériels de l’Assemblée
nationale. Je vous le répète, il ne vous reste que ce moyen de sauver la patrie.
Il y a six mois que cinq ou six cents têtes eussent suffi pour vous retirer de
l’abîme… Aujourd’hui peut-être faudra-t-il en abattre cinq à six mille, mais
fallût-il en abattre vingt mille il n’y a pas à balancer un instant… »
Et quelques semaines plus tard, dans un nouvel article il se
reprend :
« Il y a dix mois que cinq cents têtes abattues
auraient assuré votre bonheur, dit-il ; pour vous empêcher de périr vous
serez peut-être forcés d’en abattre cent mille après avoir vu massacrer vos
frères, vos femmes et enfants… »
Louis se tasse. Il laisse tomber sa tête sur sa poitrine. Comment
ne pas fuir un pays où de tels articles peuvent être publiés impunément ?
Et toutes les tentatives faites par Bailly, pour saisir les
presses de L’Ami du peuple ou poursuivre Marat, ont échoué. Le peuple le
défend.
Des députés, tel ce Maximilien Robespierre, le soutiennent
et partagent ses vues.
Certes, des journalistes lui répondent, le dénoncent :
Marat, dites-vous, l’assassin,
Veille au salut de la patrie.
Le Monstre ! Il veille dans son sein
Comme un tigre affamé dans une bergerie.
Mais les membres du club des Cordeliers, que préside Danton,
de nombreux Jacobins, le lisent, le suivent. Et on fait de ses articles des
lectures publiques dans les jardins du Palais-Royal ou dans le faubourg
Saint-Antoine.
« Les pages de sang qui chaque jour circulent dans le
peuple, sous le nom du Sieur Marat, en indignant les gens éclairés, portant la
terreur dans l’âme des citoyens pacifiques, alimentent sans cesse le délire
forcené de la multitude, écrit un bourgeois parisien. Les faubourgs surtout
sont le plus violemment saisis de cet esprit de vertige que le prétendu Ami
du peuple a soufflé parmi des hommes simples et crédules. »
Louis se souvient du visage de ces hommes et femmes du
peuple qui, le 6 octobre 1789, ont fait irruption à Versailles dans la chambre
de la reine.
Au Châtelet, un procès leur a été intenté. Mais comment
osera-t-on les condamner ? De même la loi martiale a été votée, mais dans
les villes où des émeutes se produisent aucune municipalité n’ose la décréter.
À Paris, la foule a envahi et saccagé la maison du duc de
Castries, dont le fils a blessé en duel régulier Charles Lameth, député et
Jacobin.
« Tout a été cassé et brisé, constate un témoin. Ce
Monsieur de Castries en sera pour ses meubles et pour ses glaces : quel
procès peut-on faire à la multitude ?
« La même foule s’est portée chez Monsieur de
Montmorency pour le forcer à ôter ses armoiries de dessus sa porte et à combler
le fossé qui empiétait sur le boulevard et rétrécissait le chemin du peuple ou
des piétons. Ce peuple vainqueur fait impitoyablement la guerre. »
La guerre.
Ce mot, Louis ne voudrait pas le lire, l’entendre. Mais il
le rencontre à chaque instant.
Son frère le comte d’Artois a quitté Turin pour s’installer
à Coblence. Il rassemble les émigrés dans l’espoir de constituer une armée.
En Ardèche vingt mille hommes armés se sont rassemblés au
camp de Jalès, décidés à combattre pour le roi et les principes sacrés de la
monarchie, à abolir la Constitution.
À Lyon, les royalistes s’organisent et les envoyés du comte
d’Artois envisagent de soulever toute la région, de la Bourgogne à la Provence.
Et Fersen comme Marie-Antoinette pensent qu’il faut demander
l’aide de l’empereur Léopold II, frère de la reine, qui vient d’écraser à
Bruxelles, et à Liège, les patriotes qui avaient fondé les États belgiques
unis .
L’Europe des rois fait « cause commune », s’inquiète
de la « contagion » révolutionnaire.
À Londres, un parlementaire favorable pourtant à la
révolution américaine, Edmund Burke, publie des Réflexions sur la
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