Révolution française Tome 2
guerres civiles… »
Desmoulins propose de créer un Comité de clémence.
Il en appelle à Robespierre, dont le choix, entre
ultra-révolutionnaires et Indulgents, va être décisif.
Desmoulins supplie, espère. Des hébertistes n’ont-ils pas
été arrêtés ?
« Ô mon cher Robespierre, ô mon vieux camarade de
collège, écrit-il dans Le Vieux Cordelier, souviens-toi de ces leçons de
l’histoire et de la philosophie : que l’amour est plus fort, plus durable
que la crainte…
« Et pourquoi la clémence serait-elle devenue un crime
dans la République ? »
Maximilien Robespierre observe, juge avec la condescendance
d’un maître impartial, qu’on sent prêt à tout instant à réviser son jugement.
« Il faut considérer avec Camille Desmoulins ses vertus
et ses faiblesses. Quelquefois faible et confiant, souvent courageux et
toujours républicain… J’engage Camille Desmoulins à poursuivre sa carrière mais
à n’être plus aussi versatile… »
Et Robespierre lit les rapports des observateurs de police
du Comité de sûreté générale qui indiquent que, parmi les sans-culottes
parisiens « l’on n’est pas du tout content de Robespierre, sur la faveur
qu’il accorde à Camille Desmoulins. On demande où est son impartialité dont il
a toujours fait profession… »
Maximilien est inquiet. Il ne veut pas que le pouvoir qu’il
exerce au sein du Comité de salut public, que la magistrature morale qui est la
sienne, sa « vertu », soient mis en cause.
Et il doit tenir compte de l’influence de ces « ultras ».
Le 21 décembre, 1 er nivôse, Collot d’Herbois
rentre de Lyon où avec Fouché il a organisé la Terreur.
Collot offre à la Commune de Paris la tête de Chalier, le
maire jacobin décapité par les Girondins et les royalistes au temps où la ville
était la ci-devant Lyon, et non encore Commune-Affranchie. On porte comme une
relique la tête de Chalier jusqu’à la Convention.
Comme Marat, comme Joseph Bara, comme Viala, comme Le
Peletier de Saint-Fargeau, Chalier est un martyr de la Liberté.
Imagine-t-on, interroge Collot d’Herbois, le désespoir des
patriotes lyonnais, de purs sans-culottes, quand on leur annonce la création d’un
Comité de clémence, puis l’arrestation du général Ronsin, de Vincent ?
L’un de ces patriotes a choisi de mettre fin à ses jours !
« On veut modérer le mouvement révolutionnaire, s’écrie
Collot d’Herbois. Eh, dirige-t-on une tempête ? Eh bien ! La
Révolution en est une. On ne peut, on ne doit point en arrêter les élans. »
Robespierre doit réagir. Il monte à la tribune des Jacobins
le 25 décembre 1793 (5 nivôse an II).
« Le gouvernement révolutionnaire, dit-il, doit voguer
entre deux écueils, la faiblesse et la témérité, le modérantisme et l’excès ;
le modérantisme qui est à la modération ce que l’impuissance est à la chasteté
et l’excès qui ressemble à l’énergie comme l’hydropisie à la santé. »
Et il frappe, sur l’un et l’autre « écueils » :
« les bonnets rouges sont plus voisins des talons rouges qu’on ne pourrait
le penser ».
Il dénonce ces « barons démocrates frères des marquis
de Coblence ».
« Le fanatique couvert de scapulaires et le fanatique
qui prêche l’athéisme ont beaucoup de rapports. »
Voilà pour les ultra-révolutionnaires.
Et voici pour les Indulgents, ces « citra-révolutionnaires ».
« S’il fallait choisir entre un excès de ferveur
patriotique ou le marasme du modérantisme, il n’y aurait pas à balancer… Gardons-nous
de tuer le patriotisme en voulant le guérir. »
Et la menace vient :
« Le gouvernement révolutionnaire doit aux bons
citoyens la protection nationale ; il ne doit aux ennemis du peuple que la
mort. »
Les ultras, ou les Indulgents ?
10.
Mais qu’est-ce qu’un « ennemi du peuple » dans ce
Paris de l’hiver 1794, ces mois de nivôse, pluviôse de l’an II de la République,
quand les citoyens les plus pauvres – la majeure partie de la population – sont
tenaillés par la faim ?
Le pain est cher, rare. Mais ce sont toutes les « subsistances »
qui manquent. Et les lois sur le maximum des prix des denrées sont inefficaces.
Les violences se multiplient. Flambées de colère sur fond de
désespoir.
On pille les boulangeries. Des femmes crient. On proteste
contre l’inégalité, car les boutiques de luxe sont bien fournies.
Un
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