Révolution française Tome 2
ne vous écrirai plus désormais que par des
occasions aussi sûres que celles-ci, explique-t-il. Je renonce à la poste. J’apprends
qu’il est dangereux d’y confier certaines lettres, qu’il y a des décacheteurs
aux ordres du Comité de sûreté générale : ou bien il faudrait conformer
son langage à la fureur dominante et se donner le mot d’entente, prendre le
blâme pour la louange et la louange pour le blâme… »
Ce climat de soupçon et de terreur conduit certains aux
comportements les plus lâches, aux trahisons.
Osselin, un député montagnard proche de Danton, est devenu l’amant
d’une émigrée rentrée en France, la jeune marquise de Charry. Elle est arrêtée
mais il réussit à la faire libérer, à la cacher d’abord chez Danton puis chez
son frère, curé défroqué et marié.
Mais quand la Terreur est mise à l’ordre du jour, que la loi
des suspects étend sa toile sur toute la nation, Osselin prend peur, dénonce sa
maîtresse cependant que son frère la livre et le dénonce.
Osselin, le 5 décembre 1793, est condamné à la déportation.
Sa maîtresse afin d’éviter l’échafaud prétend qu’elle est
enceinte. Après quelques semaines, son mensonge est découvert.
Elle est guillotinée le 31 mars 1794.
On vit ainsi dans la tension, l’exaltation, l’angoisse, la
peur, l’esprit de sacrifice aussi.
Des femmes disent devant le couperet : « Je veux
mourir romaine » ou « Je suis chrétienne ».
Persuadés d’agir pour le salut de la nation, les soldats de
l’« armée révolutionnaire » tuent sans remords. Un détachement
commandé par le général Ronsin se rend à Lyon où Collot d’Herbois et Fouché
sévissent.
On mitraille. On fusille place des Brotteaux. On détruit le
château de Pierre-Scisse et les maisons des riches.
« Je n’ai point de pitié pour les conspirateurs, dit
Collot d’Herbois le 21 décembre aux Jacobins. Nous en avons fait foudroyer deux
cents d’un coup et on nous en fait un crime. Ne sait-on pas que c’est encore
une marque de sensibilité ? Lorsqu’on guillotine vingt coupables le
dernier exécuté meurt vingt fois, tandis que les deux cents conspirateurs
périssent ensemble. »
Dans Commune-Affranchie, ci-devant Lyon, on dénombre mille
six cent soixante-sept exécutions, trois cent quatre-vingt-douze à Arras, cent
quarante-neuf à Cambrai, d’ordre de Joseph Le Bon, député à la Convention, ancien
curé, marié. Et âgé de vingt-huit ans.
Dans les départements voisins de l’Oise et de l’Aisne, le
conventionnel en mission André Dumont emprisonne par centaines les suspects, mais
se contente d’organiser des fêtes révolutionnaires, obligeant les dames, les
bourgeoises, les couturières, à danser, à former la « chaîne de l’égalité ».
Mais ces mascarades ne sont pas mortelles, même si la mort
hante chaque citoyen. Chacun sait qu’elle peut à tout moment frapper.
Et quand le couperet du soupçon a commencé à tomber, rien ne
peut l’arrêter.
Aucune fonction, aucune action passée, fût-elle héroïque, fût-elle
à l’origine de cette Révolution au nom de laquelle on tue, ne peut protéger.
Quand le roi, ci-devant de droit divin, quand la reine, quand
Barnave qui en 1788 se dressait pour la liberté, quand Barbaroux, qui s’élançait
avec les fédérés marseillais à l’assaut des Tuileries le 10 août 1792, quand
Brissot, ont placé leur « tête à la fenêtre » et qu’elle a roulé dans
le sac, qui peut prétendre qu’il est sûr de ne pas basculer sur la planche, comme
eux ?
Robespierre lui même s’écrie :
« À moi aussi on a voulu inspirer des terreurs, mais
que m’importent les dangers ? Ma vie est à la patrie, mon cœur est exempt
de crainte et si je mourais ce serait sans reproche et sans ignominie. »
Cette politique terroriste, ce gouvernement qui se veut
révolutionnaire jusqu’à la paix, semblent porter leurs fruits.
La grande armée catholique et royale n’est plus en Vendée qu’un
souvenir ensanglanté qui a laissé la place aux actions efficaces mais
dispersées des chouans.
Elles ne mettent plus la République en péril.
Et le but du gouvernement révolutionnaire est précisément de
fonder la République en sachant, comme dit Couthon, qu’une « révolution
comme la nôtre n’est qu’une succession rapide de conspirations, parce qu’elle
est la guerre de la tyrannie contre la liberté ».
Et pas un seul citoyen ne
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