Révolution française Tome 2
révolutionnaire. C’est moi
qui me suis donné la mort enfin ! Et je suis un modéré ! »
Il interpelle Cambon.
Ce député de la Convention est chargé des finances, et parle
avec la faconde d’un Montpelliérain.
« Nous crois-tu conspirateurs, Cambon ? l’interroge
Danton. Voyez, il rit. Il ne le croit pas. »
« Écrivez qu’il a ri », ajoute Danton tourné vers
le greffier.
Danton ainsi mène les débats, bousculant Fouquier-Tinville
et Herman qui craignent que les jurés eux-mêmes ne soient séduits par lui.
Le tribun rappelle son rôle décisif le 10 août 1792.
« Depuis deux jours le Tribunal me connaît, lance-t-il.
Demain j’espère m’endormir dans le sein de la gloire. Jamais je n’ai demandé
grâce et on me verra voler à l’échafaud avec la sérénité ordinaire au calme de
la conscience… »
Il se tourne vers les citoyens. Il est épuisé mais il a le
sentiment qu’il a convaincu ces sans-culottes.
Il a un instant d’euphorie, la garde baissée.
Il accepte la proposition du président d’interrompre les
débats, de remettre au 15 germinal la suite de sa défense.
Herman a réussi à retirer la parole à Danton.
Le lendemain, 15 germinal, Danton comprend qu’il est tombé
dans un piège. Il se dresse, avec Desmoulins. Il a l’intuition que des mesures
ont été prises pour l’empêcher de parler.
« Le peuple un jour connaîtra la vérité de ce que je
dis, crie-t-il. Voilà la dictature, le dictateur a déchiré le voile. Il se
montre à découvert ! »
C’est Saint-Just qui, averti par Fouquier-Tinville et Herman
de l’écho des propos de Danton, intervient devant la Convention. Il veut
dénoncer, dit-il, une « nouvelle conjuration ».
Il s’agit, devant le Tribunal révolutionnaire, de la « révolte
des coupables ». Il accuse Lucile Desmoulins d’avoir touché de l’argent « pour
exciter un mouvement, pour assassiner les patriotes et le Tribunal
révolutionnaire », afin de sauver son époux Camille.
Mais en insultant le Tribunal, en vociférant, « les
coupables résistant aux lois, avouent leurs crimes ».
Saint-Just, avant de donner lecture du décret qu’il va
proposer pour protéger le Tribunal révolutionnaire, avertit les conventionnels.
« Dans le péril de la patrie, dans le degré de majesté
où vous a placés le peuple, marquez la distance qui vous sépare des coupables. »
La menace affleure. Refuser de voter les trois articles du
décret, c’est reconnaître qu’on est proche des coupables, donc leur complice.
Alors les conventionnels approuvent le texte présenté par
Saint-Just au nom des Comités de salut public et de sûreté générale.
Article 1 : Le Tribunal révolutionnaire
continuera l’instruction relative à la conjuration de Fabre d’Églantine, Danton,
Chabot et autres.
Article 2 : Le président du Tribunal emploiera
tous les moyens que la loi lui donne pour faire respecter son autorité…
Article 3 : Tout prévenu de conspiration qui
résistera ou insultera à la justice nationale sera mis hors des débats
sur-le-champ.
Ce décret permet de bâillonner Danton et Desmoulins.
Celui-ci s’effondre.
« Non contents de m’assassiner, ils veulent encore
assassiner ma femme », crie-t-il.
Il vient d’apprendre qu’on accuse Lucile de fomenter un
complot pour le libérer.
Et il est vrai qu’avec Louise Danton, elle va de l’un à l’autre
des patriotes influents pour tenter d’arracher son mari à la « vengeresse
du peuple ».
Mais qui se souvient de l’amitié passée ? Il y va de la
vie et de la mort.
« Voyez ces lâches assassins, dit Danton, ils nous
suivront jusqu’à la mort. »
Le 16 germinal, Fouquier-Tinville demande aux jurés s’ils
sont suffisamment informés pour rendre leur verdict. Le président Herman ajoute
que, les accusés s’étant mal comportés envers le Tribunal, « ils sont mis
hors des débats », selon l’application de l’article 3 du décret voté par
la Convention.
Danton essaie de protester, mais le public, de nouveau
apeuré, se tait. À peine quelques murmures quand Danton s’écrie :
« Que l’on nous conduise à l’échafaud ! Je ne
disputerai point davantage ma vie à ceux qui m’assassinent. Infâme Robespierre,
l’échafaud te réclame, tu me suis ! Peuple, je mourrai digne de toi ! »
Quinze condamnations à mort.
Elles ne seront pas prononcées au Tribunal devant les
accusés, mis « hors des
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