Révolution française Tome 2
clémence et de générosité… Les juges et les jurés sont aux ordres
absolus des deux hyènes du Comité de salut public, Billaud-Varenne et Collot d’Herbois,
car depuis quelque temps Robespierre ne se rend plus aux séances de ce Comité, et
d’une autre hyène encore, Amar, du Comité de sûreté générale… Comment donc
faire avec de pareils hommes qui prennent tout de travers qui ne croient à la
bonne foi de personne…
« Le vice dominant de Robespierre n’est point la
cruauté, son faible génie est tout en ambition. Le public lui donne la priorité
en férocité : le public se trompe. La manie de Robespierre est de se
croire capable d’établir et de mener seul la République : il ne peut
souffrir de rivaux dans cette périlleuse fonction… Robespierre se croit cet
homme nécessaire, ce dictateur désiré des esprits sages… Mais aucun citoyen n’est
assuré d’exister deux jours encore tant que Billaud et Collot domineront le
Comité de salut public.
« … Collot est venu vers minuit dans l’imprimerie pour
faire des changements et des corrections dans ses discours…
« Je ne puis vous cacher, mon cher ami, confie Ruault, que
j’éprouvais une espèce de tremblement en voyant de si près la figure farouche
de Collot, aux gros yeux noirs et hagards, aux sourcils épais et foncés, à la
crinière drue et mêlée.
« Il me semblait voir le génie infernal, le démon
exterminateur qui plane sur la France. »
Robespierre devine le malaise, la peur, l’angoisse qui
étreint le pays. Quelle politique choisir ?
Hésitant, il déserte durant près d’une vingtaine de jours
les séances du Comité de salut public, tant les rapports sont tendus entre les
membres du Comité.
D’un côté Maximilien et ses proches, Couthon et Saint-Just, de
l’autre Billaud-Varenne, Collot d’Herbois, Carnot, opposés entre eux, mais tous
hostiles à Robespierre.
Les algarades sont si violentes, le vacarme si grand, que
les séances se tiennent désormais au premier étage, afin de tenter de masquer
les divergences, les disputes qui fracturent le Comité.
Robespierre s’enferme chez les Duplay, incapable de
supporter cette contestation, cette tension.
Mais au nom du Comité de sûreté générale, Vadier, un
Montagnard, présente un rapport, à propos d’une ancienne nonne, Catherine Théot,
surnommée la mère de Dieu, et d’un dom Gerle, ancien constituant protégé
de Robespierre.
Ces deux-là, et d’abord la mère de Dieu, ne
conspirent-ils pas à l’instigation de Robespierre, en le présentant comme le
Messie ?
Maximilien sent bien qu’on vise à la fois à le discréditer, à
le compromettre et à le ridiculiser.
Lui, le Messie ?
On s’esclaffe. Mais Robespierre, au lieu d’ignorer cette
machination, tombe dans le piège tendu, se faisant remettre le dossier de la mère
de Dieu, par le Tribunal révolutionnaire et obtenant que la comparution de
Catherine Théot soit renvoyée.
Il demande même sans l’obtenir la révocation de
Fouquier-Tinville. Protège-t-il la mère de Dieu ?
Même ses plus proches partisans le supplient de condamner
Catherine Théot, de s’élever contre toute forme de mysticisme.
Il se tait, mais il retourne au Comité de salut public.
C’est là qu’il apprend de la bouche de Saint-Just que les
armées de Jourdan ont remporté une victoire décisive sur les Autrichiens à
Fleuras.
Mais ce succès qui prouve l’efficacité de la politique du
Comité de salut public au lieu de rassembler ses membres les divise plus encore.
Pour ou contre Robespierre et sa politique de Terreur et de
Vertu ?
« On veut me rendre ridicule pour me perdre, dit
Robespierre, mais je méprise tous ces insectes et je vais droit au but : la
vérité, la liberté ! »
« Dictateur ! » lui répond Carnot, avec une
expression de mépris et de défi.
Robespierre se lève d’un bond, se dirige vers la porte, suivi
par Saint-Just.
« Sauvez la patrie sans moi ! » crie-t-il.
14.
Maximilien Robespierre, en ces premiers jours de juillet
1794, s’obstine.
Il ne retournera pas au Comité de salut public.
À Saint-Just qui le presse de revenir participer aux débats,
il dit avec dédain qu’il n’est pas encore temps.
Le Comité de salut public et celui de sûreté générale, comme
le Tribunal révolutionnaire sont infestés par les traîtres, répète Maximilien, et
il veut les dénoncer, les empêcher de nuire.
« Si la Providence a
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