Révolution française Tome 2
Barras, qui s’était enrichi en pillant à son profit les biens des « royalistes »
de Marseille puis de Toulon, savent que Robespierre n’ignore rien de leurs
agissements.
Il les reçoit avec la froideur métallique d’un couperet.
Dans les départements, ils sont remplacés par des « agents
nationaux » délégués du Comité de salut public.
Et c’est au sein du Comité de salut public que sont discutés,
jaugés leurs rapports.
On décide d’imposer partout le français contre les patois, les
langues régionales.
On prend des mesures pour créer un « fonds de mendicité »
qui alimentera des secours publics donnés aux indigents. L’assistance médicale
sera gratuite.
Et cette politique centralisée trouve sa plus grande
réussite aux frontières, dans la conduite de la guerre.
« Nous marchons non pour conquérir, mais pour vaincre, déclare
Billaud-Varenne à la Convention. Nous cesserons de frapper à l’instant où la
mort d’un soldat ennemi serait inutile à la liberté. »
Et Billaud-Varenne – a-t-il lu Mallet du Pan ? – craint
« l’ambition d’un chef entreprenant… L’histoire nous apprend que c’est par
là que toutes les républiques ont péri. Un peuple guerrier devient esclave. »
Et le général Hoche est en prison, accusé d’avoir eu des
sympathies pour les Cordeliers. Et le général Westermann a été guillotiné comme
dantoniste. Et l’on surveille les généraux qui, avec l’armée des Alpes, conquièrent
toute la Savoie, ou celle qui sous le nom « armée de Sambre-et-Meuse »
et le commandement du jeune général Jourdan entreprend la reconquête de la
Belgique. Ou l’armée qui libère tout le Roussillon.
La patrie est-elle encore en danger, quand presque tout le
territoire français est évacué par l’ennemi ?
Et si la nation est désormais en sûreté, pourquoi faut-il
continuer à tuer ?
Or, le peuple est las de voir couler le sang.
« Avant-hier, 11 floréal (30 avril), un grand nombre d’accusés
était au Tribunal révolutionnaire et soit précaution indiscrète, sans doute de
la part des exécuteurs, soit erreur, l’instrument du supplice avait été dressé
sur la place de la Révolution avant le jugement rendu, lit-on dans La
Correspondance politique.
« Déjà une foule immense de spectateurs se pressait
autour de l’échafaud et depuis longtemps était en attente, lorsque la nouvelle
est arrivée que le Tribunal venait d’acquitter tous ceux qui étaient en
jugement.
« Un cri s’élève aussitôt de tous les cœurs : “Vive
la République !” La joie brille sur tous les fronts, plusieurs citoyens se
hâtent de mettre la main à l’œuvre pour défaire l’échafaud, tous se félicitent
d’avoir vainement attendu et se répandent dans les promenades voisines en
bénissant la justice… »
Mais les têtes vont continuer de rouler.
Accusés d’avoir voulu livrer la Bretagne aux Anglais, vingt-six
administrateurs du ministère sont guillotinés à Brest. Et c’est Robespierre qui
incarne cette politique de la Grande Terreur qui, au nom de la Vertu et de la
nécessité patriotique, tue de plus en plus.
Le 3 prairial (22 mai), un ancien domestique, Admirat, qui
vit d’expédients, traîne de tripots en cafés, est l’amant d’une ci-devant, et
peut-être en relation avec un agent du baron de Batz, cherche en vain à tuer Robespierre
et tire deux coups de pistolet sur Collot d’Herbois, avouant aussitôt que c’est
l’incorruptible qu’il voulait assassiner.
Le lendemain, 4 prairial, on arrête dans la cour de la
maison des Duplay une jeune fille, accusée de vouloir poignarder Robespierre. Et
cette Cécile Renault, fille d’un papetier du quartier de la Cité, est présentée
comme une nouvelle Charlotte Corday.
À la Convention, Legendre, flagorneur, déclare que « le
Dieu de la nature n’a pas souffert que le crime fût consommé ».
Et Robespierre, extatique, ajoute :
« Quand les puissances de la terre se liguent pour tuer
un faible individu, sans doute ne doit-il pas s’obstiner à vivre, aussi n’avons-nous
pas fait entrer dans nos calculs l’avantage de vivre longuement… »
Puis, après un silence, il poursuit comme une confidence :
« Je ne tiens plus à une vie passagère que par l’amour
de la patrie et par la soif de la justice.
« J’ai assez vécu puisque j’ai vu le peuple français s’élancer
du sein de l’avilissement et de la servitude, aux
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