Révolution française Tome 2
dont Romme – meurent. Les trois autres
sont transportés moribonds à l’échafaud et décapités.
« On a été étonné du courage de ces six brigands »,
commente un journaliste.
Mais aucune « émotion » populaire n’accompagne le
geste de ceux que leurs partisans appellent les « martyrs de prairial ».
La me appartient à la Jeunesse dorée, dont le « royalisme »
commence à inquiéter les « rois de la République ».
Ils ne veulent plus du retour de la Terreur ni d’une
restauration monarchique. Or, les muscadins foulent aux pieds la cocarde
tricolore, abattent des arbres de la Liberté.
Et festoient quand la Convention ordonne que les bâtiments
des ci-devant Jacobins de la rue Saint-Honoré soient démolis et que sur leur emplacement
soit construit un marché.
Les danses, l’arrogance, les applaudissements des muscadins
autour des ruines du club des Jacobins font pressentir aux vainqueurs de
prairial qu’ils vont devoir livrer une autre bataille :
« Depuis le 9 thermidor, écrit Thibaudeau, la lutte
était restée entre les terroristes et les Thermidoriens. » Ceux-ci ont
triomphé mais un nouvel ennemi se présente à eux : c’est « le
royalisme que l’on avait cru mort des coups terribles qu’on lui avait portés ».
Le revoici renaissant, souhaité par la Jeunesse dorée, et de
nombreux députés du Marais, ce Ventre de la Convention.
C’est dans ce Paris-là qu’erre, inactif et impatient, le
général de brigade Napoléon Bonaparte. Il rêve de se faire envoyer en mission à
Constantinople pour réorganiser l’armée turque.
Mais cet espoir n’est que mirage vite dissipé.
« Moi, écrit Napoléon à son frère Joseph, très peu
attaché à la vie, en la voyant sans grande sollicitude, me trouvant constamment
dans la situation d’âme où l’on se trouve la veille d’une bataille, convaincu
par sentiment que, lorsque la mort se trouve au milieu pour tout terminer, s’inquiéter
est folie. Tout me fait braver le sort et le destin. Et si cela continue, mon
ami, je finirai par ne pas me détourner lorsque passe une voiture.
« Ma raison en est quelquefois étonnée mais c’est la
pente que le spectacle moral de ce pays et l’habitude des hasards ont produite
sur moi. »
21.
C’est la fin du mois de mai 1795, ce mois de prairial an III,
et parce que les sans-culottes sont vaincus, pourchassés, souvent arrêtés et
parfois massacrés, on ose se proclamer royaliste.
Le mot « révolutionnaire » est proscrit, on peut
donc donner son sentiment sur ces « années de sang » durant
lesquelles on n’avait pas seulement « terrorisé » les « honnêtes
citoyens » en les menaçant du « rasoir national » mais conçu et
voté la Constitution de 1793, dont Boissy d’Anglas dit aujourd’hui qu’elle n’était
que l’« organisation de l’anarchie ».
Plus personne n’appelle Boissy d’Anglas Boissy-famine !
Il est le rapporteur d’une commission de onze membres
chargée de préparer une nouvelle Constitution.
C’en est fini des belles déclarations de 1793, qui n’évoquaient
que les « droits » et jamais les « devoirs ».
La Constitution nouvelle ne parlera pas de droit d’assistance
et de droit d’insurrection.
Boissy observe : « Lorsque l’insurrection est
générale, elle n’a plus besoin d’apologie, et lorsqu’elle est partielle elle
est toujours coupable ! »
Alors pourquoi y faire référence dans un texte
constitutionnel ? C’est l’individu qui est la source du « bien »
et non l’action collective ou l’État.
« Faites constamment aux autres le bien que vous
voudrez en recevoir », voilà ce que la nouvelle Constitution doit affirmer.
Et répéter que c’est sur le « maintien des propriétés »
que repose tout l’ordre social.
Boissy d’Anglas écrit dans son rapport du 23 juin 1795 (5
messidor an III) :
« Nous devons être gouvernés par les meilleurs, c’est-à-dire
par ceux qui possèdent une propriété, qui sont attachés à la tranquillité qui
la conserve et qui doivent à cette propriété et à l’aisance qu’elle donne l’éducation
qui les a rendus propres à discuter avec sagacité et justesse… Un pays gouverné
par les propriétaires est dans l’ordre social, celui où les non-propriétaires
gouvernent est dans l’état de nature, c’est-à-dire dans la barbarie. »
Les onze membres de la commission sont tous des députés
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