Révolution française Tome 2
du
Ventre de la Convention, souvent d’anciens Girondins, des modérés, tel Pierre
Claude François Daunou, prêtre et professeur de théologie avant 1789, puis
prêtre jureur. Il a refusé de voter la mise en accusation et la mort du roi.
La Constitution de 1793 est pour lui la « Constitution
du faubourg Saint-Antoine ». Il prend la plume au nom de la commission des
onze pour rédiger le nouveau texte constitutionnel.
Il rejette l’idée que le pouvoir exécutif, qui sera composé
de cinq membres, puisse être élu par le peuple :
« Le peuple pourrait désigner un Bourbon ! »
s’exclame-t-il.
Les cinq membres qui composeront ce Directoire de la
République seront désignés par deux Conseils, l’un, celui des Cinq-Cents (l’ Imagination), aura le droit de proposer la loi, l’autre, celui des Anciens
(la Raison), deux cent cinquante membres, de la voter.
Et ce sont les Anciens qui, dans une liste de cinquante noms
proposés par les Cinq-Cents, choisiront les Cinq Directeurs. Ceux-ci – renouvelables
tous les ans par cinquième -seront vêtus d’un costume chamarré, « protestation,
dit Boissy d’Anglas, contre le sans-culottisme ».
Pour voter, au scrutin secret, le citoyen doit avoir vingt
et un ans accomplis et payer une « contribution directe, foncière ou
personnelle » : le suffrage n’est donc plus universel, mais « censitaire ».
Les soldats qui ont lutté pour l’établissement de la République sont dispensés
de cette condition. Mais, « les domestiques à gages attachés au service de
la personne ou du ménage, comme les fous, les faillis, les accusés, ne peuvent
être électeurs ».
Les onze membres de la commission sont inquiets. Ils veulent
que « leur enfant », la Constitution, « l’enfant aux onze pères »,
lit-on dans les journaux, protège le pays d’un « pouvoir exécutif fort »
comme ils l’ont connu sous la monarchie, mais aussi sous la Convention.
Ils se défient donc du pouvoir d’un seul, qu’il s’agisse d’un
homme ou d’une Assemblée, comme l’a été la Convention durant la Terreur.
Et ils mesurent aussi la haine du peuple pour les « ventres
pourris », les « ventres dorés », car la misère et la disette
sont toujours là, à serrer la gorge des plus humbles.
La « soudure » avec la récolte de 1795 – abondante
– tarde à se faire.
Une mouche de police signale dans un rapport de fructidor an
III (août 1795) que « les estomacs vides battent la générale et sonnent le
tocsin de la Constitution ».
On veut chasser les conventionnels, à quelque clan qu’ils
appartiennent.
« On ne réélira pas ces coquins », dit-on.
Pis : le peuple est si exaspéré, qu’il crie :
« Vive le roi ! »
Ces mots qui font trembler les régicides, on les entend à
Chartres, où un représentant en mission est assiégé par une foule qui hurle :
« Vive le roi ! Vive le roi ! »
Le représentant est forcé de signer un arrêté qui taxe le
pain à trois sous. Le soir, il se suicide.
La troupe doit intervenir, livrer bataille pour rétablir l’ordre
et disperser ces rebelles en tuant une dizaine.
Et ce cri de « Vive le roi ! », les jeunes
gens qui jadis suivaient Fréron, cassaient leurs gourdins noués et plombés sur
le dos des sans-culottes, le poussent contre la Convention dont ils se défient.
Il leur semble qu’elle ménage les sans-culottes. Ne
célèbre-t-elle pas le 14 juillet, décrété une fête nationale ?
Ne fait-elle pas chanter La Marseillaise ? Ne
regroupe-t-elle pas autour de Paris des troupes nombreuses ?
Or, contre qui ces soldats pourraient-ils intervenir, sinon
contre cette Jeunesse dorée que Tallien, Barras, Fréron ont utilisée et qui
maintenant les inquiète ?
Car les muscadins sont désœuvrés.
« Paris offre, écrit un témoin, un assez étrange
phénomène. C’est celui d’un assez grand nombre de jeunes gens qui souvent sans
autre nom que celui qu’ils usurpent et sans autres ressources connues que
celles du jeu font une dépense annuelle de deux à trois cent mille francs. À
ces aventuriers se sont jointes des personnes de marque mais diffamées qui, trouvant
le métier assez bon, se livrent au même genre d’industrie. »
Ils vivent donc de l’« agiotage », du jeu, et se
retrouvent au Palais-Royal.
Et ils vivent d’expédients, dans un luxe précaire. Que
seront-ils demain ?
Ils rêvent d’un roi.
« Les espérances les
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