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Ridicule

Ridicule

Titel: Ridicule Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Remi Waterhouse
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la nuit au-dehors, des bouteilles de Leyde alignées, des bocaux de verre contenant des choses immondes flottant dans l’alcool, une robe de chambre légère sur ses propres épaules, et, enfin, un mal de tête qui allait en empirant. Les tympans de Ponceludon menèrent à sa conscience des sons articulés, alors même que la bouche de l’homme avait remué. Cette coïncidence suggérait qu’on lui parlait, et son entendement ordonna laborieusement les mots : « De nos deux rencontres, je ne saurais dire laquelle est la plus plaisante. »
    Ponceludon superposa alors l’image de cet homme penché sur lui avec celle du visiteur qui lui avait évité, par ses moqueries, une entrée calamiteuse chez la comtesse.
    Le sens de la phrase fut soudain éclairci, les événements proches auxquels elle faisait allusion s’alignant impeccablement dans la perspective chronologique. Grégoire avait retrouvé ses esprits.
    Il lui sembla qu’on plantait une épine dans sa cheville, et il baissa les yeux pour découvrir que le marquis, penché sur lui, l’était plus particulièrement sur sa cheville ; et que cette cheville venait d’être incisée à l’aide d’une lancette. Son sang se répandait dans un récipient de faïence. Bellegarde était absorbé par l’opération, et Ponceludon ferma les yeux. Il lui était doux d’abdiquer de ses facultés d’inquisition, de déduction et de décision, pour se concentrer sur la chaleur du minuscule ruisseau de sang le long de sa cheville, jusqu’à ce que la langueur des anémiques l’envahisse.
    — Qui ai-je l’honneur de saigner ? demanda le marquis avec douceur.
    Et le jeune homme émit d’une voix qu’il reconnut à peine tant elle était faible :
    — Grégoire Ponceludon de Malavoy.
    — Marquis de Bellegarde, dit l’autre. Physiologiste à mes heures. Retiré du service, mais non de la cour.
    Il pansa le pied du jeune homme et tendit le récipient à la grosse femme. Puis il se releva et, satisfait, essuya le sang de ses mains. Ponceludon était mortellement pâle.
    — Voici Charlotte, ma gouvernante. Et Paul, son fils. Paul est sourd et muet.
    La femme au tablier, lourde et joviale, s’inclina avec des mines gracieuses. Se sentant désigné, le garçon hirsute se mit à glapir de joie.
    — Il est idiot, mais pas méchant.
    Tandis que Ponceludon s’efforçait de sourire aux deux personnages qu’on lui présentait. Le marquis de Bellegarde continuait de parler, pour combattre la tendance des assommés à glisser sans retour dans leurs songes, en maintenant son attention en éveil sur les réalités d’ici-bas.
    — Les voyageurs ne sont pas assez prévenus contre le brigandage qui règne près de Versailles ! dit-il.
    Tout en parlant, le marquis s’empara du bassin de faïence que lui tendait Charlotte, et se pencha dessus pour en scruter le contenu.
    — Le bon médecin peut juger un sang comme le gourmet un vin.
    En fermant les yeux, il huma le sang qu’il agitait par un léger mouvement tournant du bassin pour en exprimer le bouquet, puis il y trempa cérémonieusement le doigt qu’il porta à sa bouche. Il eut plusieurs aspirations brèves comme des baisers, à la façon des dégustateurs, et annonça :
    — Beau rouge vif, fluidité, mais consistance. Vous vivez au grand air, et mangez des viandes maigres !
    Bellegarde chercha une confirmation dans le regard encore embué du jeune homme, qui soupira, laconique :
    — Je vis dans l’air corrompu des marais. Nous mangeons surtout des poissons de vase.
    Ponceludon tenta de palper son front qu’on avait bandé, geste d’instinct qu’on voit faire à tout blessé, puis demanda un miroir que Charlotte lui tendit. Ses trois hôtes le regardaient découvrir son visage pansé avec le ravissement indulgent de parents assistant aux premières tentatives d’un enfant pour marcher.
    D’abord vaguement intéressé par le spectacle de la charpie sanglante qui entourait son front, Ponceludon eut le regard attiré par les lambeaux de papier maculés de boue qu’on avait étalés derrière lui, et que le miroir lui permettait seulement de découvrir. Il se retourna si vivement qu’on le crut élancé par une douleur : il s’agissait des plans de son dispositif d’assainissement de la Dombes qui séchaient sur une corde. Il se leva péniblement pour les examiner plus à son aise.
    — Mon Dieu, mes plans !, gémit-il en constatant les irréparables dommages qu’un séjour prolongé dans

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