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Ridicule

Ridicule

Titel: Ridicule Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Remi Waterhouse
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m’évitez des déconvenues.
    — J’en ai tellement vu, des gentilshommes de province ! répondit le marquis avec l’air modeste et serviable dans le drapé duquel se cache souvent l’ivresse du triomphe.
    — Je plaiderai donc ma cause de vive voix ! poursuivit Ponceludon d’un air déterminé.
    Ce n’était pas un caractère irrésolu, et comme il n’avait pas connu de barrière qu’une conviction ferme et loyale n’efface, on le prenait souvent en délit de candeur. Les deux hommes se séparèrent avec toutes les civilités d’usage quand l’un est redevable à l’autre de la vie, du gîte et du couvert, mais aussi de la fin de ses illusions ; c’est-à-dire que la déception bridait Ponceludon dans ses effusions.
    L’auberge dans laquelle le jeune ingénieur trouva refuge était peuplée de colporteurs qui passaient, entre le matin et le soir, de la griserie à l’ivrognerie. Son lit était infesté de punaises, et la rigole, qui charriait les eaux de rejets diversement immondes, passait le long du mur de sa fenêtre ; mais la Dombes avait habitué Ponceludon à des exhalaisons autrement empoisonnées. Plus que les remugles, le prix de la nuit lui coupait l’appétit. Cependant, il crut pouvoir se féliciter de sa persévérance, puisqu’il remporta un premier succès dans ses démarches : après une semaine de sollicitations, le ministre allait le recevoir.
    Maurepas, dans sa très longue carrière, avait connu Gaston Ponceludon de Malavoy, ambassadeur de Dombes. Quand il sut que son fils sollicitait un rendez-vous, il fut effleuré par la curiosité, et le lui accorda dans les trois jours.
    Le premier jour, Ponceludon visita les jardins de Versailles et en fut ébloui. Les statues des nymphes et des déesses, surtout, lui échauffèrent le sang. Il n’avait jamais vu de corps de femmes aussi pleins, aussi replets et fessus. Ses « bonnes fortunes » à lui étaient mortes aujourd’hui pu alors édentées, clavicules saillantes, les yeux caves ; elles s’étaient décrépites avant d’être mères. Les déesses triomphantes des bassins étaient, elles, cambrées et grasses pour l’éternité. Il se livra, de retour dans sa chambre, à l’onanisme le plus furieux et n’osa plus retourner dans les jardins le lendemain, de peur de contracter ce vice. Pour tuer le temps, il s’enivra à l’auberge avec un marbrier italien.
    Le troisième jour, s’étant présenté au château trois heures en avance, le visiteur arpenta les galeries en attendant son rendez-vous, et s’absorba plus particulièrement dans la contemplation des escaliers dont il avait toujours aimé la perfection géométrique. Enfin vint l’heure d’aller se poster sur une banquette devant la majestueuse porte ministérielle. Un laquais finit par le faire entrer, et le jeune homme fut accueilli par Maurepas, qui ne daigna pas même lever les yeux sur lui avant d’avoir terminé d’écrire.
    Quand il leva sa maigre figure, il ne dit rien d’autre qu’un « Monsieur », par lequel on devait se sentir invité à exposer les motifs de sa visite.
    Sans préambule, l’ingénieur étala ses plans et se lança clans une explication détaillée des motifs qu’on avait d’assainir la Dombes, des moyens pour y parvenir, et des besoins que pourraient couvrir les subsides royaux.
    Il avait vu en Maurepas un homme à qui il fallait parler sans détour, clair, et chiffres en main. Or Maurepas n’aimait rien tant que la flatterie, et n’arborait une mine sévère que pour inciter les flagorneurs les plus résolus à forcer leur chance. Le sérieux et la conviction du fils de Gaston Ponceludon de Malavoy lui parurent de bien mauvais goût. La faillite de l’État était maintenant suffisamment connue pour qu’on ne vienne pas en pointer les carences avec un malin plaisir en présentant des projets dispendieux !
    — Nul doute que Sa Majesté serait très intéressée par un tel ouvrage hydrographique, interrompit le ministre. Le roi est si friand des choses de la technique...
    Ponceludon pensait le poisson ferré :
    — Faites aussi valoir, monsieur, que les fièvres déciment ses sujets de la Dombes. On le dit très sensible.
    — C’est sa faiblesse, convint Maurepas avant d’ajouter, froid : C’est pourquoi je me garderai bien de parler de vos plans à Sa Majesté.
    Il se retourna vers la grande cheminée que des piles de rapports et de mémoires encombraient.
    — De même que je ne lui dis rien de ces

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