Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Ridicule

Ridicule

Titel: Ridicule Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Remi Waterhouse
Vom Netzwerk:
monsieur ?
    — Très. Mais cela va passer.
    Comme sa canne était tombée à ses pieds, Ponceludon la ramassa. L’autre lui sourit.
    — Vous êtes fraîchement arrivé à Versailles, monsieur. Je le vois à vos manières honnêtes. Moi, je pars demain, pour ne plus revenir. Voyez-vous, je ne voudrais pas mourir ici. Au milieu de tous ces...
    En grimaçant, il montra la société qui se pressait autour du perron. Ponceludon proposa son aide pour monter dans la voiture, mais Laouste désigna son cocher d’un doigt accusateur.
    — Ce noir coquin va descendre m’aider, sinon il n’aura pas ses gages !
    Ponceludon s’éloigna du malade, et récupéra son cheval auprès d’un palefrenier qui ne se fit pas prier pour lui raconter ce qu’il savait sur M. de Laouste. C’était un conseiller au Parlement très dévot, mais il avait le « sang très fort » avec les dames, ce qui nuisait à son salut. Il en était venu à se mortifier les chairs sans relâche, dans l’espoir de les assoupir, et le fit avec une telle rage que la gangrène le prit. En moins de deux semaines, et malgré les fumigations dans le fondement prescrites par les médecins, sa peau partit en lambeaux et mit à vif des chairs noires. Si on en croyait son cocher qui n’était pas avare de confidences, payées en repas dans les meilleures cuisines, on avait dû lui couper « ce que les dames aimaient ». Mais la gangrène avait repris.
    La comtesse et son confesseur riaient beaucoup de cette mésaventure, et les valets de la maison de Blayac, sur son passage, se bouchaient le nez comiquement — ce que leur maîtresse ne leur reprochait qu’avec la plus grande indulgence. Elle l’appelait « le plus grand ridicule de l’Ancien et du Nouveau Monde », et pourtant le bruit courait qu’elle l’avait « eu », autrefois. Ponceludon donna cinq sols au palefrenier bavard et remonta en selle.
    Comme le temps menaçait, le jeune homme prit par la forêt pour rejoindre Saint-Cyr où on lui avait indiqué une auberge adaptée à sa fortune. Il avait hâte de voir l’école de Mme de Maintenon à Saint-Cyr, que Mansard avait édifiée sur d’anciens marais. Parmentier avait raison : rien n’était impossible à un grand roi.
    Il aperçut une forme humaine étendue en travers du chemin et mit Butor au pas pour s’approcher. Gisant face contre terre, l’inconnu n’était qu’un tas de hardes pouilleuses d’où dépassaient deux pieds sales et une tête hirsute. Mais était-ce vraiment un inconnu ? Pour être inconnu, encore faut-il avoir un nom, un âge, et tout ce qui fait qu’on vous appelle « inconnu » quand on les ignore. Celui-là était un gueux, mort de faim sans feu ni lieu, comme des milliers d’autres, et personne n’aurait eu l’idée de s’inquiéter d’une autre identité que celle-ci.
    Ponceludon se pencha sur lui et déplaça doucement la tête pour voir le visage. Il vivait ! Il avait même murmuré quelque chose !
    — Tu vas manger, dit le jeune homme. J’ai un gros pain dans mes fontes. Que dis-tu ?
    Lorsqu’il se pencha tout près pour entendre, l’homme l’empoigna par le revers avec une vigueur inattendue, le plaqua au sol et lui administra plusieurs volées de son bâton de marche. Laissant Ponceludon inanimé, il le dépouilla de son argent et enfourcha Butor.
    À la nuit tombante, le chevalier de Milletail qui allait au trot sur le même chemin aperçut un corps inerte sur le bas-côté. Il mit pied à terre et tira l’épée, puis s’approcha précautionneusement, car le brigandage avait des ruses, et celle-ci lui était connue. La pluie commençait à tomber, réveillant Ponceludon de son assommement au moment précis où le chevalier se penchait sur lui, sa lame nue en avant.
    — Je n’ai plus rien... on m’a tout volé, articulat-il péniblement.
    Il ressentit une telle douleur après s’être redressé qu’il crut que l’autre venait de lui crever les tempes d’un coup d’épée, et il retomba évanoui.
    Son second réveil, il le dut à une rafale de gifles dont le généreux dispensateur était le marquis de Bellegarde. En gilet, les manches retroussées et sans perruque, l’homme fut perçu par la conscience de Ponceludon, juste avant une avalanche d’éléments qui lui parvinrent dans cet ordre : une collection de papillons au mur, une grosse femme en tablier, un garçon hirsute et réjoui, des instruments de chirurgie, une machine électrostatique sur un établi,

Weitere Kostenlose Bücher