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Ridicule

Ridicule

Titel: Ridicule Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Remi Waterhouse
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de soie violette, et chaussé de babouches. Louis de Bellegarde secoua le dormeur.
    — Monsieur, je ne sais pas si vous assécherez la Dombes, mais vous ferez brûler ma maison, assurément ! dit-il, désignant les chandelles aux trois quarts consumées en étroit voisinage avec des monceaux de papiers.
    Ponceludon bredouilla une vague protestation, assurant qu’il ne s’était assoupi que quelques minutes (il dormait profondément depuis deux bonnes heures). Le vieux gentilhomme s’était penché sur une feuille calligraphiée avec soin : « Mémoire pour Servir à l’Instruction du Roi sur l’Insalubrité du pays de Dombes et les Remèdes qu’on y peut apporter. » Il abandonna la feuille parmi le grand désordre du bureau d’un air désolé.
    — La nuit est faite pour dormir, dit-il. Vous peinez bien inutilement.
    — Je ne sais rien de plus utile que ce travail-ci, répondit Ponceludon avec un peu de vivacité.
    — Habillez-vous, monsieur. Je vais vous édifier, je pense.
    Il fit volte-face dans un élégant tournoiement violet de robe de chambre, et s’en alla à son cabinet de toilette.

 
    IV
    « Dans la société aristocratique, jouez au whist, débitez d’un air grave et profond des lieux communs et des bons mots arrangés d’avance, et la fortune de votre génie est assurée... »
    Chateaubriand
    Ponceludon avait tout juste eu le temps d’apercevoir la grille du château de Versailles par la fenêtre de la voiture brimbalée sur les pavés au rythme d’un trot sonore. Le sommet de la grille, ouvragé de ferronnerie dorée, irradiait de lumière solaire réfléchie dans l’air matinal. Au loin, la cour de Marbre s’ouvrait sur le devant, en protégeant de ses deux ailes une richesse dont l’incandescence augmentait avec la profondeur. La calèche s’engagea derrière l’aile des Ministres, dans l’étroit défilé qui la séparait du bâtiment du Grand Commun, puis longea l’aile du Midi. L’ancien hôtel des Affaires étrangères et de la Marine était situé entre le couvent des Récollets et l’extrémité méridionale de l’aile du château. Malgré l’indignation de Bellegarde, le portier refusa d’ouvrir la grille de l’hôtel pour laisser pénétrer la voiture, et les deux hommes firent leur entrée à pied.
    C’est dans ce bâtiment de pierre de taille et de brique, construit à l’épreuve du feu, que Louis XV avait fait transporter les archives diplomatiques, auxquelles on avait joint, depuis, l’essentiel des dossiers classés et une partie des ouvrages de la Bibliothèque Royale.
    — Dombes... Dombes... Dombes... Dombes... Dombes... Dombes...
    À la suite du bibliothécaire qui psalmodiait sourdement, ils traversèrent les sept salles d’enfilade, toutes garnies de rayonnages jusqu’à hauteur de plafond.
    — Ces bibliothécaires sont des valets plus savants que des académiciens, chuchota Bellegarde, amusé.
    — Dombes ! lâcha l’archiviste en montrant un rayon du haut.
    Un commis fit rouler l’échelle jusqu’à son maître qui, avec une vélocité de fauve surprenante chez un individu aussi mal bâti, escalada les degrés jusqu’au dernier rayon, pour en redescendre aussi vite, un in-quarto sous le bras.
    « Mémoire pour servir à l’Édification du Régent Philippe d’Orléans sur les Causes d’Épidémies qui Infestent la Dombes, et les Moyens d’y porter Remède », par le marquis d’Armentières.
    Louis de Bellegarde n’éprouvait aucun plaisir à censurer les espoirs de Ponceludon, mais il avait l’âme d’un pédagogue, et c’est toujours avec douleur qu’il voyait d’autres se lancer dans des expériences dont les résultats lui étaient déjà connus. Avoir raison, c’est-à-dire donner tort, était pour lui une passion qu’il avait dû étouffer, depuis qu’il hantait la cour, car dans cette société la vérité des logiciens n’avait aucune valeur. Elle n’en ressortait qu’avec plus de vigueur dans les rares occasions où die s’exprimait. Un certain bien-être l’envahit devant la mine contrariée de Ponceludon, car les événements ne donnent que rarement raison avec autant d’éclat.
    — Dommage qu’il n’ait jamais été ouvert... Pensez-vous que votre mémoire puisse connaître un meilleur sort ? ajouta-t-il pour parfaire son chef-d’oeuvre.
    En effet, les pages n’étaient même pas coupées.
    — Merci monsieur, dit Ponceludon avec une raideur enfantine qui attendrit Bellegarde. Vous

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