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Ridicule

Ridicule

Titel: Ridicule Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Remi Waterhouse
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grossièrement humaines, gonflé comme un cadavre de noyé. Il aida Mathilde à extraire le grand pantin ruisselant, qui, une fois à terre, se dégonflait à mesure qu’il pissait l’eau par ses coutures. Avant d’avoir même prononcé un mot, Mathilde s’agenouilla au chevet du gisant de cuir et défit les attaches du casque. L’eau dont le mannequin était chargé s’évacua par l’ouverture du col, et la jeune femme, plongeant la main par trois fois dans cette outre de forme humaine, en retira trois lapins, deux vivants et un mort. Les deux survivants étaient en piteux état, leurs pelages collés ruisselants d’eau.
    Ponceludon avait déjà vu des gravures d’«  habits hydrostatergiques », mais jamais il n’avait jamais eu l’occasion d’en approcher un. Les gazettes rapportaient périodiquement les accidents mortels des audacieux inventeurs, en même temps qu’elles organisaient des concours dotés d’argent pour les futurs candidats à la noyade.
    — L’étanchéité n’est pas parfaite, et il s’est chargé d’eau.
    — Et quand bien même elle le serait, objecta Ponceludon. Savez-vous quelle pression s’exercerait sur vous à cent pieds de profondeur ?
    — Exactement trois onces au pouce carré, rétorqua Mathilde. Je connais moi aussi les lois de Pascal.
    On eût dit que ces deux êtres, qui s’étaient pris d’un réel intérêt réciproque pendant la gavotte, aimantés par leurs seuls regards, se dressaient sur leurs ergots aussitôt qu’ils se parlaient.
    — La nature prévoyante a mis les crabes sous l’eau, et les jeunes filles chez leurs parents !
    De toutes les formes d’esprit, l’ironie était celle que Mathilde entendait le moins, et le sourire goguenard du jeune homme l’irritait.
    — La nature a aussi envoyé les fièvres à vos paysans !
    Elle sentit Ponceludon touché, se radoucit et ajouta, rêveuse :
    — Nous ne connaissons que la moitié de la création. Imaginez le nombre de plantes, de fleurs, d’arbres qui vivent au fond des mers... M’aiderez-vous ?
    — À vous noyer ? Certainement pas !
    Le ton était net et sans appel, mais démentant du geste ses paroles, il s’agenouilla pour tâter l’habit et le renifler.
    — Avec quoi graissez-vous le cuir ?
    — De la graisse de loutre, pourquoi ?
    L’ingénieur réfléchit un instant. Il oubliait
    Mathilde de Bellegarde, le problème était de pure technique.
    — Il faudrait rendre étanches les coutures avec du goudron. Et puis, seule l’observation de l’habit en mouvement peut renseigner sur ses faiblesses.
    Mathilde rougit.
    — Tournez-vous, monsieur.
    Comme Ponceludon lui avait obéi, elle ôta prestement son corsage, fit tomber son jupon, et se trouva en chemise de batiste et caleçon de toile grossière, comme en portent les jeunes gens de la campagne. Elle avait la hantise qu’il ne se retourne, parce qu’elle voulait cacher, non l’impudeur de sa tenue qui laissait deviner les formes de son corps, mais la grossièreté de son linge. Elle n’avait jamais eu les coquetteries de son sexe, et jamais sollicité de son père l’achat du moindre ruban. Depuis qu’elle avait des gages de préceptrice, elle n’avait rien dépensé qui ne fût pour ses recherches, hormis le minimum pour être mise décemment. M. de Montalieri avait insisté pour lui faire faire la robe bouton d’or qu’elle portait pour voyager. Mais elle craignait le sourire amusé qu’aurait eu Ponceludon s’il l’avait vue dans une lingerie aussi puérile. C’était la première fois de sa vie qu’un désir de dentelles l’effleurait.
    Le jeune homme ne se retourna pas. Ce qui fut la cause d’un malentendu heureux puisque Ponceludon, imaginant derrière lui le corps de Mathilde, nimbé de linge fin dans le soleil du matin, fut pris d’un émoi tel que sa voix s’étrangla :
    — Mathilde, vous aimez ce Montalieri ? coassat-il.
    Aux bruits de frottement de tissu qu’il imaginait tout de rubans et dentelles, succéda le bruit de cuir mouillé, de harnais et de sangles. Mathilde avait enfilé l’habit et l’ajustait.
    — Aimer ? Je ne crois pas à l’amour.
    C’était dit sans joie, mais avec conviction. Mathilde avait trop de droiture pour supporter l’idée de sa prostitution volontaire. Elle leurrait donc sa conscience avec des faux-semblants auxquels elle croyait. La réfutation de l’amour au nom d’un matérialisme intransigeant était la pièce principale de ce dispositif

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