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Ridicule

Ridicule

Titel: Ridicule Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Remi Waterhouse
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n’étaient donc que ce qu’elles avaient toujours été : celles d’une jeune fille, un peu trop sérieuse, mais passionnément éprise de nobles principes et curieuse de tout.
    Le dîner fut joyeux. Charlotte et Paul mangèrent avec les maîtres, et le bonheur de Bellegarde faisait plaisir à voir. Mathilde reporta l’annonce qui lui pesait au lendemain. Quant à Ponceludon, il surmonta la pénible impression de leur première rencontre.
    — Savez-vous danser, monsieur ? s’enquit Bellegarde, en repoussant son assiette.
    — Je sais les danses paysannes de chez moi.
    — Si vous vous taisez, personne n’en saura jamais rien, et vous êtes sauvé ! s’exclama joyeusement Bellegarde, heureux de ce petit « brocard ».
    Entouré des siens, après un repas arrosé, le vieux gentilhomme n’avait plus la voix sourde et contrainte du courtisan craignant toujours la foudre d’une repartie. Il parlait fort, et aimait se mettre en avant. N’était-il pas, à cette table, le père, le pédagogue et le maître ? Ces moments où il était lui-même, pénétré de son autorité et débonnaire, laissaient penser que M. de Bellegarde eût été pleinement heureux de vivre bourgeoisement, parmi ses livres et dans la paix de l’étude. Il aurait sans doute vécu plus vieux, tant il n’est pas douteux que la conscience aiguë de soi-même qu’implique la vie à la cour use un homme comme une lame effilée use le fourreau.
    En gilet, le marquis se mit à l’épinette, et pria Mathilde de danser la gavotte avec Ponceludon. Les pas maladroits du campagnard arrachaient par instants des sourires radieux à Mathilde qui s’en défendait pour ne pas blesser son cavalier. C’était bien inutile, puisque Ponceludon se sentait bien mieux payé de ces sourires mi-moqueurs, mi-éblouis que des encouragements de Bellegarde. La jeune fille, toute à ses études et à ses travaux solitaires, n’avait guère approché de jeunes gens. C’est avec son père qu’elle avait appris les danses — à l’exception de la chaconne, trop lascive. La danse, qui oblige à suivre toujours des yeux son partenaire à travers les évolutions compliquées, exaspère les relations de deux êtres dont le sang n’est pas tout à fait tiédi. La ligne du regard, jamais rompue, comme le foulard entre les dents des lutteurs de foire, oscillait et s’étirait au gré des figures. Si bien qu’au cours de cette gavotte la froideur de leur premier contact se dissipa, et ils conçurent l’un pour l’autre de la curiosité.
    Bellegarde interrompit ces enfantillages charmants pour revenir à l’étude des figures.
    — Certaines gavottes comportent une « volte », c’est-à-dire un tour complet du cavalier sur lui-même. C’est une figure qu’il est essentiel d’exécuter sans regarder vos pieds et en quittant le moins longtemps possible des yeux votre cavalière.
    Il reprit la gavotte.
    — Attention, quand je vous le dirai... volte !
    Mathilde éclata de rire. Ponceludon avait terminé sa volte, étourdi, les deux pieds écartés, rétabli de justesse.
    Au-dehors, Paul, ravi, exécuta le pas qu’il voyait faire à Ponceludon à travers la fenêtre, et tomba dans les hautes herbes en poussant un cri qui fit accourir tout le monde à la fenêtre. Mais comme le sourd-muet riait, ils rirent aussi.
    Le chevalier de Montalieri, n’étant pas encore veuf, n’avait pas cru décent de venir demander Mathilde à son père. Aussi, le rendez-vous eut-il lieu chez le notaire, sans préambule et sans publicité aucune. Bellegarde avait dû s’asseoir pour se remettre de l’annonce que sa fille avait fini par lui faire, juste avant le départ Chez le notaire. À l’étude, il écoutait sans comprendre l’officier de justice qui lisait le projet de contrat. Quelques fois, il levait les yeux vers M. de Montalieri, vieil homme sec aux humeurs froides, de cette sorte de vieillards sans aucun dérèglement qui vivent cent ans. Seule imprudence : il usait de cosmétiques nombreux, dont le blanc de céruse que beaucoup avaient renoncé à utiliser de peur de s’empoisonner. Mais il semblait que son sang de lézard le garantît contre les poisons. Ce mariage n’était pas, pour le chevalier, un ardent et ridicule délire de vieux veuf. C’était l’orgueil froid et organisé de toute une vie, et qui lui avait toujours fait épouser de très jeunes femmes, belles à faire pâlir ses valets. Et seulement ses valets, car il craignait

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