Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Ridicule

Ridicule

Titel: Ridicule Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Remi Waterhouse
Vom Netzwerk:
intellectuel.
    — Alors pourquoi ce mariage ?
    — Quel autre choix a une jeune femme ? La misère ou le couvent ? Mon père n’a que des dettes, et mes travaux coûtent cher.
    — Un beau jour, vous prendrez un amant, comme toute femme bien née.
    Encore cette ironie, et bien qu’elle ne vît pas son visage, elle entendait son sourire dans sa voix. Mais s’il pouvait l’aider, elle était bien décidée à supporter son arrogance.
    — Grâce à mon père, je ne suis pas de ces malheureuses dont on a farci la cervelle de niaiseries romanesques. Je ne suis occupée que de sciences... Vous pouvez regarder.
    Ponceludon découvrit Mathilde sanglée dans son habit hydrostatergique, sérieuse comme une enfant, crispée par le contact du cuir mouillé et froid.
    — Vous ressemblez à une chandelle qui a coulé ! s’exclama Ponceludon en riant.
    Mathilde ignora superbement le quolibet. Son regard froid aurait imposé le respect à des hussards. Dominant sa gaieté, Ponceludon se composa un visage plus grave et s’approcha d’elle. Agenouillé devant la jeune femme au garde-à-vous, il se pencha sur l’habit, pinça et tordit le cuir en différents endroits.
    — Voyez... Les coudes, l’entrejambe... C’est là que le cuir travaille et s’use. Dans les plis.
    Alors que Ponceludon manipulait l’ample combinaison graisseuse et mouillée dont les vagues de plis désordonnés se plaquaient sur son corps, Mathilde fut parcourue d’un long frisson. Elle songea au froid qui devait régner dans les sombres forêts sous-marines des profondeurs, et frissonna encore.
    Bernard Chérin avait complaisamment accepté le surnom d’« incorruptible », mais son cabinet ne désemplissait pas. Un règlement du 17 août 1760 qui exigeait qu’on produisît les titres de famille originaux avait compliqué la tâche des négligents dont les papiers avaient été dispersés. Les « preuves », si nécessaires pour être admis aux « Honneurs de la Cour », étaient décortiquées par le tatillon généalogiste du roi. À1 ‘issue de l’examen de ses pièces, le candidat était agréé, refusé ou différé. Des gens dont les ancêtres avaient chevauché avec Saint Louis montraient patte blanche pour lui arracher le précieux certificat. Des titres gagnés à coups de masse d’armes sur les plus glorieux champs de bataille au service d’un roi valeureux étaient défendus par leurs héritiers à coups de paperasse, contre la chicane d’un roi procédurier, descendant du premier.
    Les bals de la reine, les « cercles » de la cour, les chasses royales, les soupers des princes du sang, tout cela demandait une généalogie en règle. La chose était connue et alimentait les persiflages amers de la petite noblesse de province ou de robe. Ponceludon, qui ne l’ignorait pas, avait pris la précaution d’apporter ses « papiers ». Il obtint un rendez-vous avec Chérin.
    Les murs de l’antichambre du généalogiste étaient noircis par la fumée de mauvaises chandelles, et le pourtour des poignées de portes et de fenêtres, crasseux. La banquette de velours usé n’accueillait ce jour-là que deux visiteurs. Ponceludon remarqua sur le mur, à côté de lui, tracé maladroitement par une main vengeresse à la mine de plomb : Chérin est un mâtin. Signé P. de M. L’attente se prolongeait. Ponceludon s’avisa soudain qu’on pourrait prendre les initiales de l’anonyme P. de M. pour les siennes : Ponceludon de Malavoy ! Il entreprit de frotter discrètement les deux lettres avec le revers de sa manche qui devint grisâtre sans que les lettres soient rendues illisibles pour autant. Son voisin lui lançait des regards en coin. Tout en feignant de lire, il attaqua alors avec l’ongle la peinture écaillée, jusqu’à ce que deux traces de plâtre gratté encadrent la particule orpheline. Chérin est un mâtin. Signé... de...
    Ponceludon se replongea dans son petit volume de Lucrèce. L’homme qui l’avait épié le regardait maintenant sans retenue. Il avait l’air, jeune encore malgré des traits un peu lourds de jouisseur blasé, et une perruque « régence » comme on n’en portait plus guère. Son linge bordé de dentelles jaunies arrangées avec soin était piqueté, par endroits, de moisissures, comme s’il avait séjourné longtemps dans une malle humide.
    — Si seulement la tyrannie de l’esprit nous avait débarrassés des généalogistes !
    Content de son entrée en matière, il

Weitere Kostenlose Bücher