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Rive-Reine

Rive-Reine

Titel: Rive-Reine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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d’Épidaure l’a élu président du Conseil exécutif. J’ai vu, l’an dernier, au moment de son départ d’Italie, cet ancien ministre des Affaires étrangères de l’hospodar de Valachie. C’est un homme courageux et sensé. Mais il était temps qu’il s’arrachât aux délices pisanes ! ajouta Ribeyre.
     
    – Lord Byron était à Pise ? demanda Axel, toujours attentif au sort de son poète préféré.
     
    – Je te préviens, Claude, ne touche pas à Byron ! railla Blaise en riant.
     
    – Parlez-moi de lui. L’avez-vous rencontré ? insista Axel.
     
    Claude Ribeyre de Béran ne se fit pas prier plus longtemps et raconta qu’au cours d’un bref séjour à Pise, au printemps 1821, il avait été amené à prendre contact avec Mavrocordato à la demande du maréchal Horace Sébastiani, député libéral de la Corse. Cet ancien ambassadeur de Napoléon auprès de la Porte, de 1806 à 1808, s’intéressait à la rébellion grecque. Il pensait que son expérience ottomane pourrait lui permettre de jouer un rôle quand l’indépendance de la Grèce serait établie.
     
    Au cours de son séjour, le général Ribeyre n’avait fait qu’apercevoir lord Byron qui, lui avait-on dit, n’aimait guère les Français, mais il dépeignit, pour le fils de son ami, le cercle anglo-pisan de ce temps-là.
     
    – Le prince Alexandre Mavrocordato a été tout de suite adopté par le groupe de résidents anglais de Pise, rassemblés autour de lord Byron et de Percy Bysshe Shelley. Les deux poètes s’étaient, comme vous le savez, exilés en Italie : le premier à cause des relations incestueuses qu’il entretenait, disait-on, avec sa sœur, l’autre, de qui on assurait qu’il avait conduit sa femme légitime au suicide, parce que sa conduite et ses écrits étaient considérés comme dangereusement subversifs. Auprès de ces révolutionnaires romantiques, le prince grec trouva compréhension, amitié, concours. Âgé de trente ans, Mavrocordato n’a rien d’un apollon. Court sur jambes, ventru, à demi chauve, myope portant lunettes d’or, il ne manque, en revanche, ni de manières ni de compétence politique. On le considérait, dans les milieux philhellènes italiens, comme le chef des patriotes grecs réfugiés à l’étranger.
     
    – Mais qui est-il et que faisait-il à Pise alors qu’on se battait en Grèce ? demanda Blaise.
     
    – C’est un ancien aide de camp du général Ypsilanti, sorte de connétable valache. À Pise, il attendait les premiers signes du soulèvement populaire tant espéré pour retourner en Grèce et prendre la tête du mouvement. Ce qu’il fit seulement en mars dernier. Il faut reconnaître qu’il patientait confortablement dans un cercle intellectuel où l’on parlait sans arrêt d’une révolution qui chasserait les derniers monarques européens, de la libération de la Grèce, de la résistance à l’occupant autrichien de Venise, en buvant du thé ou du porto, en naviguant à la voile, en contant fleurette aux dames, en tirant au pistolet, en badant devant les couchers de soleil ou les clairs de lune. Les plus sceptiques quant à l’efficacité de cette résistance salonnière ont toujours reconnu au prince Mavrocordato le mérite, qui ne peut être accordé à tous les dirigeants grecs, d’être un homme intègre et d’excellente éducation.
     
    – En somme, il a pris le repos du guerrier avant de faire la guerre ! persifla Blaise.
     
    – Je dois dire que le libérateur en puissance plaisait particulièrement à Mary Shelley, épouse dolente et insatisfaite du poète, qui était alors amoureux d’une ravissante comtesse de dix-neuf ans, Emilia, enfermée dans un couvent. Cette aimable recluse attendait que ses parents, selon une coutume médiévale, lui trouvent un mari qu’elle ne pourrait refuser. Mavrocordato enseignait à Mary le grec ancien. En échange, celle-ci lui apprenait l’anglais. M. Shelley ne partageait pas l’engouement de sa femme pour le patriote grec, mais comme il prônait, m’a-t-on dit, une certaine liberté sexuelle, il voyait les entretiens de Mary et d’Alexandre comme une compensation admissible à ceux qu’il avait, au couvent, avec la belle Emilia ! Et, pour prouver sa reconnaissance à Mavrocordato, le poète offrit un jour au sigisbée de sa femme une bague ornée d’un précieux camée et un sceau, où l’on voyait une colombe voletant au-dessus de la devise : « Je suis le prophète des combats

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