Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Rive-Reine

Rive-Reine

Titel: Rive-Reine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
Vom Netzwerk:
disposait plus que de vingt-cinq gaillards en arrivant aux portes de Saumur, le 22 février dernier. La ville, loin d’être accueillante, avait été mise en état de défense et Berton prit le large. Il alla se cacher à La Rochelle. Dénoncé par le sous-officier Woelfeld, arrêté devant Saumur, il fut pris par la police, avec deux amis fidèles, Saugé et le docteur Café. Ce dernier se donna la mort avant de comparaître devant la cour de Poitiers, qui envoya Berton et Saugé à la guillotine.
     
    – Le cas de ces malheureux fit moins de bruit que l’affaire des quatre sergents, dit Blaise de Fontsalte.
     
    – On peut même dire que cette affaire a éclipsé tous les autres complots et sonné le glas de la charbonnerie française.
     
    – Qui étaient ces sergents, dont j’ai entendu parler à Genève ? interrogea Axel.
     
    Ribeyre ne demandait qu’à satisfaire la curiosité de ce garçon, chez qui il retrouvait beaucoup de traits de Blaise jeune.
     
    – Ils étaient quatre, du 45 e de ligne, affiliés à la charbonnerie : le sergent-major Bories, les sergents Pommier, Raoux et Goubin, qui avaient projeté de faire participer leur régiment à l’affaire de Saumur en rejoignant l’expédition Berton. Bories ayant imprudemment fait des confidences à un officier en retraite, qu’il croyait antiroyaliste, fut dénoncé et arrêté avec ses trois compagnons. Un seul, dont je tairai le nom, passa aux aveux et livra certains chefs de la Vente centrale après avoir reconnu que tous travaillaient à la destruction de la monarchie. Au cours du procès, qui se déroula en septembre dernier, devant les assises de la Seine, l’avocat général Marchangy comptait bien que l’un des quatre livrerait le nom de La Fayette, mais tous se turent et furent condamnés à mort. La Fayette, qui avait déjà échappé de justesse à la police lors de l’affaire de Belfort où il était attendu, offrit une forte somme pour faire évader les condamnés, mais la tentative échoua. Des personnalités, qui n’appartenaient pas toutes au parti libéral, sollicitèrent la grâce royale pour ces jeunes gens, mais Louis XVIII refusa toute clémence. Ils furent exécutés place de Grève, le 21 septembre, devant une foule considérable.
     
    – On ne leur reprochait cependant que des intentions, des velléités, observa Axel.
     
    – C’est exact. Ils n’avaient pas de sang sur les mains. Ils n’avaient même pas commis d’acte de rébellion armée. On peut donc juger la sentence très sévère. Cette rigueur de Louis XVIII et de son gouvernement se retourne d’ailleurs contre la monarchie, de plus en plus impopulaire. Solidaires dans la mort comme ils l’avaient été dans la conspiration, ces soldats égarés ont, en revanche, acquis toute la sympathie du peuple 6 . On parle d’eux en France comme de martyrs. Et l’on dit « les quatre sergents de La Rochelle », comme on dit « les quatre fils Aymon » ou « les trois Horaces », acheva Ribeyre.
     
    En écoutant Ribeyre et Fontsalte évoquer, avec force détails, cette carte des révolutions, Axel se prit à penser, une fois de plus, qu’Adrienne courait, quelque part en Europe, le risque d’être arrêtée et condamnée par des juges au service de monarques ou de princes autocrates. Ne venait-on pas d’expulser de Genève le vieux Buonarroti, après que la Haute Diète eut adopté, sous la pression autrichienne, un « conclusum relatif à la presse et aux étrangers » que les cantons seraient contraints d’appliquer. Désormais, les autorités fédérales devraient expulser les étrangers nommément désignés comme comploteurs par les autorités de leur pays d’origine et réprimer ce que les membres de la Sainte-Alliance nommaient « les abus de la presse dans l’appréciation des affaires politiques des pays étrangers ». On demandait donc aux journalistes de s’abstenir de tout commentaire sur la vie politique des nations européennes ! C’était une forme de censure, dont les intellectuels contestaient le bien-fondé.
     
    Ribeyre, voyant le jeune homme pensif, lui demanda s’il avait vu, à Lausanne, des professeurs et des étudiants allemands bannis des universités germaniques à la suite des restrictions imposées par Metternich et si la population vaudoise les accueillait cordialement.
     
    – Par ici, nous soutenons plus les Grecs que les autres proscrits ou réfugiés. Le massacre de la population de l’île

Weitere Kostenlose Bücher