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Rive-Reine

Rive-Reine

Titel: Rive-Reine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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victorieux. »
     
    – Tout cela est d’un romantisme achevé, dit Axel, très intéressé.
     
    – Et d’une touchante modestie, ajouta Blaise, ironique.
     
    – J’ai assisté, mi-mars, au départ de Mavrocordato, reprit Ribeyre. Toutes les dames du cercle britannique essuyaient des larmes et le poète Shelley lut et dédia au prince un drame en vers, Hellas , qui met en scène le Christ, Satan, le fantôme de Mahomet, un Juif et un chœur antique. J’aurais aimé prendre copie de cette œuvre, une des dernières, on le sait aujourd’hui, qu’écrivit Shelley avant de se noyer, mais on ne me l’a pas permis ! Quant à lord Byron, mon cher Axel, il m’a paru conserver, au cours de ces effusions et déclamations, une réserve très aristocratique ! Mais j’ai retenu, ce jour-là, un propos de Shelley que beaucoup d’hommes peuvent faire leur : « Nous sommes tous grecs. Nos lois, notre littérature, notre religion, nos arts ont leurs racines en Grèce. »
     
    Axel applaudit cette formule, se leva et prit congé. Il tenait à rentrer avant la nuit à Vevey, la neige tombant sans discontinuer depuis plusieurs heures.
     

    La neige avait fondu et les Vaudois oubliaient l’exceptionnelle rigueur de cet hiver 1822-1823 quand, au commencement du mois d’avril, Blaise de Fontsalte fit savoir à Axel Métaz qu’il souhaitait le voir. On venait de commencer les labours dans le vignoble. Axel, qui devait souvent remplacer Simon Blanchod, de plus en plus essoufflé quand il montait dans les parchets, dut rappeler son parrain au travail pour se rendre à Lausanne.
     
    Dès son arrivée à Beauregard, tandis que Trévotte débouchait une bouteille de saint-saphorin, Axel connut la raison de cette convocation.
     
    – Je voudrais savoir si vous m’autorisez à demander la main de votre mère, dit Fontsalte sans préambule.
     
    Et il ajouta :
     
    » Cela peut vous paraître bizarre, mais je tiens à votre consentement.
     
    La perplexité apparente et silencieuse d’Axel fut interprétée par le général comme un embarras défavorable. Il n’en était rien et le jeune homme le rassura aussitôt :
     
    – Je souhaite le bonheur de ma mère et le vôtre. Maintenant que tous les obstacles juridiques et moraux sont levés, puisque mon père… enfin, je veux dire l’ex-mari de ma mère, est remarié, rien ne s’oppose à cette union, que j’espérais voir s’accomplir. Ne parlons pas de consentement, parlons de grande et chaleureuse approbation, monsieur.
     
    Blaise de Fontsalte quitta son fauteuil et, visiblement ému, vint prendre Axel aux épaules.
     
    – Merci, Axel. Vous êtes un noble cœur et je suis fier d’avoir un tel fils. Mais j’aimerais que vous cessiez maintenant de me donner du monsieur ou du général. Appelez-moi Blaise, tout simplement, car je ne prétendrai jamais usurper ni le nom ni, dans votre cœur, la place de celui qui a fait de vous ce que vous êtes.
     
    Ils levèrent et vidèrent leur verre, trompant ainsi, l’un et l’autre, l’émotion qui les assaillait.
     
    – Il vous reste, Blaise, à obtenir le consentement de la principale intéressée. Mais peut-être l’avez-vous déjà ?
     
    – Non, Axel. Je ne pouvais pas présenter ma demande avant de connaître votre sentiment. Comme cela se fait chez nous, je vais maintenant endosser mon meilleur uniforme, enfiler des gants beurre frais et me rendre rue de Bourg dès que Charl… votre mère sera rentrée d’Échallens, dit Blaise, joyeux.
     
    – Venez donc dimanche à Vevey, avec maman, m’apporter la réponse. Je demanderai à Pernette de cuire l’agneau pascal. Ce sera une façon de marquer vos fiançailles.
     
    Tandis que le marquis de Fontsalte annonçait ses intentions et recevait l’approbation d’Axel, Charlotte était en visite chez sa mère.
     
    En apprenant le mariage américain de celui qu’elle continuait à considérer comme son gendre, puisqu’elle niait toute validité canonique au divorce, M me  Rudmeyer – qui allait sur ses soixante-dix ans, souffrait de rhumatismes et d’asthme – avait fulminé contre les hommes qui ne peuvent se passer de femme dans leur lit. Du jour au lendemain, transposant sa rancœur de sa fille pécheresse à ce gendre deux fois perdu, elle avait appelé Charlotte près d’elle, se repentant de l’avoir si maltraitée depuis trois ans.
     
    – Ma pauvre petite, bien que ta faute demeure, tu avais peut-être quelques excuses à tromper

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