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Rive-Reine

Rive-Reine

Titel: Rive-Reine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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contrairement aux amoureux, qui parlent sans cesse de leur maîtresse, Axel ne prononçait jamais le nom d’Adrienne. Quand Chantenoz, dépositaire de toutes les confidences de son ancien élève, demandait : « As-tu des nouvelles de ta dulcinée ? » le jeune homme se contentait d’un signe de dénégation et s’empressait de parler d’autre chose.
     

    À l’arrivée des Vaudois, Aarau était en fête depuis trois jours. Les concours de tir à l’arc, à l’arbalète, au fusil et à la carabine avaient commencé dès le lundi, mais, chaque matin, entraient en lice de nouveaux tireurs. Axel avait choisi de rejoindre les fusiliers de Vevey le vendredi, afin de concourir avec les meilleurs.
     
    L’antique ville mérovingienne, devenue cité des Habsbourg, puis vassale de Berne, libérée en 1798, avant d’être promue, en 1803, chef-lieu du canton d’Argovie, semblait maintenant à l’étroit dans son rempart médiéval. Elle s’était parée et fleurie pour accueillir les délégations des vingt-deux cantons. Partout, aux mâts, balcons et fenêtres des vieilles maisons, aux auvents polychromes, aux avant-toits en visière, que dans ce canton de langue allemande on nommait Runde ou Giebeldach , flottaient l’étendard de la Confédération, croix blanche sur fond rouge, et l’écu parti de sable et d’azur du canton d’Argovie.
     
    À chaque instant, des détachements traversaient la ville pour se rendre à la place de tir. Les militaires et les membres des confréries les plus opulentes paradaient en uniforme derrière leur musique. Les délégués des plus modestes sociétés communales, fortes seulement d’une demi-douzaine de tireurs, s’ingéniaient à faire bonne figure, en défilant d’un pas plus ou moins cadencé derrière leur bannière.
     
    À l’ouest de la ville, sur une vaste esplanade, avaient été construits des pavillons, simples halles de bois, abondamment décorés, qui abritaient les éventaires des marchands de victuailles, de gâteaux, de souvenirs. Plus attractives encore étaient les pintes où l’on servait ce qu’une aberration civique faisait nommer par certains le sang des Suisses. Vins rouges ou blancs, du Jura, du pays de Vaud, de Genève ou du Valais, coulaient des tonneaux pour accompagner saucisses, émincé de veau, rösti et fromages.
     
    Dès leur arrivée, les délégations devaient se présenter au pavillon des prix, sorte de kiosque surélevé abritant une estrade. Là se tenaient juchés, endimanchés et affairés, les membres de la société de tir d’Aarau, confrérie invitante, chargés d’accueillir les visiteurs. Après l’échange de politesses, parfois d’allocutions patriotiques, où il était toujours question de liberté, de fraternité, jamais d’égalité, car personne n’y croyait, les nouveaux venus confiaient aux organisateurs le prix offert par leur confrérie. Il s’agissait, le plus souvent, d’une coupe en métal argenté, rarement en argent massif ou en vermeil. Les tireurs, venus de tous les horizons helvètes, se disputeraient ces trophées destinés à orner, plus tard, les salles de réunion ou les stands de tir.
     
    Suivant le protocole, le chef de la délégation présentait ensuite aux personnalités et aux juges la bannière de sa société de tir, qui était immédiatement hissée sur le kiosque, au milieu de cent autres.
     
    À tout moment, des tireurs venaient présenter leur carton de tir aux juges qui, après vérification des points obtenus, décernaient le prix correspondant au score réalisé. Accompagné de ses amis, acclamé, félicité, embrassé par sa fiancée, sa femme ou sa mère, le gagnant brandissait son trophée et prenait le chemin de la buvette où sa coupe serait emplie de vin afin que chacun pût y boire à la gloire du héros et à la pérennité de la Confédération.
     
    Au fond de l’esplanade, autour des cibles dressées au pied d’une colline plantée de vigne, les meilleurs fusiliers et carabiniers, encouragés par les membres de leur société, allaient d’une cible à l’autre, s’efforçant d’obtenir le plus de points possible avec leur contingent de poudre et de balles. Plus loin, devant d’autres cibles, s’affrontaient, à coups de flèches et de carreaux, les archers et les arbalétriers. Ils attiraient de nombreux curieux et passaient, aux yeux de la foule bigarrée et chaleureuse, pour les vrais descendants de Guillaume Tell. Les manieurs d’armes à feu, qui

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