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Rive-Reine

Rive-Reine

Titel: Rive-Reine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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Mergentheim et une autre à Brückenau, ils arrivèrent en Hesse.
     
    Après sept jours et six nuits, ils connaissaient les ressources des auberges et relais. Chantenoz établit une cotation pour noter la qualité de l’hébergement, de la table et cela devint un jeu d’évaluer la saveur des soupes aussi bien que les charmes des servantes. Rien de ce qui était allemand ne semblait valoir, aux goûts des deux amis, les produits de l’hôtellerie suisse, sauf la bière, servie dans de beaux pichets de faïence décorée à couvercle d’étain.
     
    Un soir, alors que les voyageurs fumaient leur pipe en buvant le breuvage blond, Chantenoz se moqua d’un philosophe français qui encourageait les pères de famille à faire voyager leurs jeunes fils en Allemagne, afin de retarder la puberté en les exposant à la rigueur du climat !
     
    Au lendemain d’une journée de repos à Fulda, Axel et Martin passèrent, à Eisenach, la frontière de la Thuringe et se présentèrent, au matin du onzième jour de voyage, devant le porche de l’hôtel de l’Éléphant, à Weimar.
     
    Un maître d’hôtel 1 à favoris blancs comme neige, serré dans un frac vert bouteille à col châle, se précipita pour abaisser le marchepied de la berline, tandis que des valets s’emparaient des bagages avec une prestesse de voleurs. Quand les voyageurs eurent inscrit sur un tableau noir, avec un bâton de craie attaché à un cordon, leurs nom, qualité, lieu de résidence habituelle, l’homme aux favoris les poussa devant une matrone au chignon impressionnant qui, hiératique et revêche, siégeait derrière un pupitre encombré de registres et de papiers.
     
    Axel Métaz et Chantenoz furent présentés avec cérémonie à la propriétaire de l’hôtel, qui, prenant des airs de duègne, parut condescendre à héberger les Vaudois. Le maître d’hôtel, qui les accompagna par un dédale d’escaliers et de couloirs jusqu’à leur commune chambre, leur fournit l’explication de cette morgue :
     
    – Si Messieurs les Voyageurs n’avaient pas bénéficié de la triple recommandation de M. le Conseiller aulique Meyer 2 , notre peintre et historien des beaux-arts, de M. Frédéric Soret, précepteur de notre jeune prince Karl-Alexander, et de la très estimée M me  Espérance Sylvestre, dame d’honneur de nos jeunes princesses Marie et Augusta, petites-filles de notre grand-duc, nous n’aurions pu vous loger à l’Éléphant. Non, messieurs, car le meilleur hôtel du pays ne désemplit pas depuis le jubilé de notre grand-duc, qui fêta ses cinquante ans de règne le 3 septembre puis, le 3 octobre, le cinquantième anniversaire de son mariage avec notre grande-duchesse Louise, née Hesse-Darmstadt. Et maintenant, toutes nos chambres sont retenues par d’illustres visiteurs, invités au jubilé de Son Excellence le ministre von Goethe, qui arriva chez nous en 1775, déclama l’homme, sans reprendre son souffle.
     
    – Pourrons-nous voir de près votre grand homme ? demanda Chantenoz.
     
    Le maître d’hôtel eut une moue de commisération.
     
    – Ces messieurs n’auront pas trop de nouvelles recommandations pour approcher Son Excellence, auprès de qui les plus grands noms d’Europe sollicitent des audiences, sans toujours les obtenir. Notre grand ministre, maintenant âgé de soixante-seize ans, souffre souvent de la goutte et ménage ses forces. Il n’est pas de jours qu’arrivent au Frauenfeld – c’est sa maison – des cadeaux, des diplômes de docteur en philosophie, en sciences et, même, en théologie, que lui envoient les universités, des médailles, des messages de félicitations de princes et de savants. Et puis on le dit parfois mélancolique, depuis l’incendie du théâtre où il avait, comme nous tous, tant de beaux souvenirs !
     
    – Quoi ? Le théâtre a brûlé ? Le théâtre où l’on joua si souvent Schiller a brûlé ! s’écria Chantenoz.
     
    – Oui, messieurs, au cours de la nuit du 21 au 22 mars. Et notre grand-duc, lui-même, dirigea jusqu’à l’aube les pompiers, pour qu’ils protègent les maisons voisines, car nous avions tous compris que rien ne subsisterait du vieux bâtiment. Le lendemain, mon épouse, qui est choriste suppléante, est allée, comme d’autres dames, fouiller les décombres, pour recueillir des reliques. Elle a rapporté un gland roussi du rideau rouge que nous avons vu tant de fois se lever sur les plus fameux acteurs d’Europe !

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