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Rive-Reine

Rive-Reine

Titel: Rive-Reine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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votre grand-duc a su faire une capitale intellectuelle connue du monde entier en attirant, autour de Goethe, Schiller, Herder et Wieland, les plus grands esprits du siècle, dit le professeur avec sérieux.
     
    – Nous y pensons, monsieur, nous y pensons. Mais nous ne pourrons tout dire, ma femme et moi. Nous détenons trop de petits secrets, dont la révélation heurterait les personnes qui s’en souviennent.
     
    – Comme a dit M me  Cornuel, l’amie de Buffon : « Il n’y a point de héros pour son valet », observa Chantenoz.
     

    La chambre apparut coquette et confortable, éclairée par deux fenêtres pourvues de rideaux de mousseline, meublée d’une lourde commode ventrue, placée entre deux lits à baldaquin et surmontée d’une glace au cadre doré. Une penderie, que le maître d’hôtel avait ouverte à deux battants avant de se retirer, permit aux voyageurs de suspendre leurs vêtements. La table de toilette, équipée d’une belle cuvette en faïence fleurie, d’un broc, d’un porte-savon et de deux porte-peignes assortis, était flanquée d’un porte-serviettes pourvu de linge d’une parfaite blancheur et qui fleurait bon la lavande.
     
    Dès qu’ils eurent défait leurs bagages, Axel et Martin se lancèrent à la découverte de la ville. Chantenoz s’était procuré, à Genève, un vieil exemplaire du Pèlerin géographique et sentimental des plus belles contrées des États allemands , daté de 1775.
     
    – Ce vieux guide est intéressant, car il décrit Weimar tel que dut le découvrir Goethe en arrivant ici, il y a cinquante ans. Écoute ceci, dit Chantenoz en commençant sa lecture : « Weimar est un bourg qui, n’ayant su choisir entre la rusticité du village et l’élégance de la ville de cour, s’est finalement décidé à être laid, tout simplement. Ses rues ne se distinguent ni par la propreté ni par la beauté des édifices, mais par l’aspect d’un lieu où l’on ne trouve point à manger. Dès qu’on s’écarte des grandes voies, on tombe dans des cloaques, des trous et des précipices, et il n’est point rare de rencontrer, au milieu du pavé, des troupeaux de vaches accourant de tous côtés au son d’un cor et faisant fuir les honnêtes dames et demoiselles. Les routes sont si mauvaises qu’on ne peut voyager qu’à cheval. Le quartier du château, entouré de fossés remplis d’eau, occupe le tiers de toute la surface de la ville. Les habitants, mesquins, philistins, négligés dans leur langage, n’ont point de goût ni d’élégance. Ils ne lisent point de gazettes. Ils vivent des reliefs d’une Cour, composée d’une petite noblesse, laquelle, entourée de savants et de beaux esprits, est trop en mal de philosophie pour faire la moindre dépense 4 . »
     
    – Quel tableau réjouissant ! J’imagine Goethe, tout à la mélancolie de Werther , et arrivant en un tel lieu ! De quoi vraiment se tirer un coup de pistolet dans la tête, dit Axel.
     
    La visite du Weimar de 1825 les rassura. La ville, qui devait tant d’embellissements à Goethe, avait été agréablement transformée depuis que le rédacteur atrabilaire du Pèlerin géographique l’avait traversée.
     
    Les deux Vaudois flânèrent longuement au bord de l’Ilm, dans les jardins dont les beaux gazons, soigneusement tondus, et les allées ratissées n’avaient rien à envier aux parcs anglais. Sur une esplanade, la jeunesse dansait les soirs d’été et l’après-midi, en toute saison, de belles dames flânaient, échangeant les derniers potins. L’une d’elles, ouvrant son manteau pour montrer sa robe à l’amie qui l’accompagnait, découvrit un décolleté béant et ne parut nullement gênée d’exposer ainsi ses seins aux regards des étrangers.
     
    – Voilà de quoi réjouir le vieux Goethe, qui recommande, quelque part, de poser, chaque jour, les yeux, pendant un moment, sur un bel objet, de jouir d’un spectacle attrayant, de « contempler de beaux tableaux, de belles médailles », a-t-il écrit exactement, précisa Chantenoz.
     
    Au cours de leur promenade, Martin redevint spontanément le mentor d’Axel. Ensemble, ils constatèrent que l’ocre et le vert restaient les couleurs dominantes des belles maisons et des monuments, ce qui conférait au palais ducal un air italien. D’une terrasse, au-delà des rues paisibles bordées de villas cossues, ils découvrirent le paysage environnant. Sur des collines boisées, couronnées de brume

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