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Rive-Reine

Rive-Reine

Titel: Rive-Reine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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d’observation privilégié pour renseigner ceux qui croyaient encore possible le règne de Napoléon II. Le jeune duc de Reichstadt, toujours à Schönbrunn, aurait dix-neuf ans le 20 mars. Dans deux ou trois ans, il serait apte, pensaient les grognards, à relever le sceptre impérial.
     
    – Le comte de Ghaisnes de Bourmont va-t-il, une nouvelle fois, trahir son employeur ? demanda Ribeyre, ironique.
     
    Ancien commandant d’une armée de chouans en 1799, Bourmont avait émigré, pour porter les armes contre la France, dans l’armée de Condé. Rallié par confort, mais sans conviction, à l’Empire, Bourmont, après avoir bénéficié de la mansuétude de Napoléon, obtenu des commandements importants, n’avait-il pas, trois jours avant la bataille décisive de Waterloo, abandonné ses troupes pour passer chez les Prussiens – une habitude – avec une partie de son état-major ? Enfin, Ribeyre et Fontsalte ne pouvaient pardonner à cet adepte du double jeu d’avoir contribué, par son témoignage, lors du procès fait par les royalistes au maréchal Ney, en 1815, à pousser le Brave des braves devant le peloton d’exécution.
     
    – J’apporte de quoi vous rassurer quant à la popularité du général de Bourmont, messieurs. Beaucoup de Français, et des meilleurs, pensent comme vous, dit le colonel.
     
    Le visiteur tendit aux deux amis le Globe , journal philosophique et littéraire, fondé en 1824 par Paul-François Dubois et Pierre Leroux, auquel collaboraient, entre autres écrivains fameux, Sainte-Beuve et Rémusat. On donnait cette feuille pour organe des libéraux.
     
    Fontsalte lut à haute voix une phrase, prise dans un article signé Saint-Marc-Girardin. D’après l’officier, une phrase de ce professeur du lycée Louis-le-Grand résumait l’opinion des patriotes sur la nomination de Bourmont au ministère de la Guerre. « Coblentz, Waterloo, 1815, voilà trois principes, trois personnages du ministère. Prenez, tordez ce ministère, il ne dégoutte que chagrins, malheurs et dangers 5 . »
     
    Après ce préambule politique, le colonel révéla l’objet de sa visite. Le maréchal Marmont, membre de la commission militaire chargée de la préparation d’une intervention contre le dey d’Alger, demandait à ses deux anciens camarades de combat de reprendre temporairement leur activité afin d’organiser un service de renseignement adapté à ce genre de campagne. Sans laisser aux deux hommes le temps de répondre, l’officier enchaîna :
     
    – Le nouveau gouvernement du prince de Polignac, moins timoré que celui de son prédécesseur, M. de Martignac, a décidé le roi à entreprendre une expédition contre l’Algérie. Bien que le commandant en chef ne soit pas encore nommé, tout porte à croire que ce sera le maréchal Marmont, dont je puis vous dire qu’il figure en tête sur la liste de six officiers généraux qui sera soumise au Dauphin. Il faut bien ménager les susceptibles et ne pas désespérer les ambitieux, commenta le colonel avec un sourire.
     
    – A-t-on assez temporisé ! Trois ans de réflexion pour venger un coup de chasse-mouches… et bien d’autres outrages, fulmina Ribeyre.
     
    – La punition à infliger au dey sera, je l’espère, augmentée des intérêts composés de trois années d’insultes, d’outrecuidances, de crimes. L’assassinat de vingt-deux matelots et deux officiers, le 17 juin de l’an dernier, et le tir par les batteries d’Alger, le 3 août, de quatre-vingts obus sur la Provence , qui transportait sous pavillon parlementaire le capitaine de vaisseau La Bretonnière, envoyé du gouvernement français, rappela Fontsalte, farouche.
     
    – Une occasion pour Marmont de racheter ses faiblesses d’autrefois en chassant du trône ce mangeur de loukoum aux cent femmes, compléta Ribeyre.
     
    Si certains bonapartistes intransigeants appelaient encore Marmont « maréchal judas » et disaient « raguser » pour trahir, Blaise conservait une certaine estime à ce compagnon d’armes, alors qu’il n’avait que mépris pour Bourmont, dont le principal titre de gloire restait la promenade espagnole de 1823. À défaut de gloire, cette « guerre de M. de Chateaubriand » lui avait valu la pairie. Pour Fontsalte, Marmont était d’une autre trempe que le petit général de salon « aux yeux de couleuvre », comme disait Bonaparte. Auguste-Frédéric-Louis Viesse de Marmont, fils d’officier royaliste, avait

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