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Rive-Reine

Rive-Reine

Titel: Rive-Reine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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participé, comme Blaise, à la bataille des Pyramides, puis commandé l’artillerie à Marengo et chacun avait été nommé général à vingt-six ans. Pour avoir chassé les Russes de Raguse, il avait été fait duc du même nom et promu maréchal par Napoléon. Enfin, cet ancien aide de camp de Bonaparte avait tenté de défendre Paris, en 1814. Certes, il s’était rallié à la monarchie dès l’apparition de Louis XVIII, qu’il avait accompagné en exil en 1815, mais il ne s’était jamais comporté en plat courtisan et Fontsalte pensait que, pour lui, comme pour d’autres anciens soldats de l’Empire, l’aigle impériale couvait sa revanche sous les fleurs de lys.
     
    – Donnez-nous des détails sur cette affaire d’Algérie. Les journaux d’ici n’impriment que les informations et les commentaires autorisés, depuis que le gouvernement cantonal exerce une censure de fait sur les nouvelles de l’étranger, afin de ne pas agacer les ambassades de la Sainte-Alliance, dit Ribeyre.
     
    Le colonel, pour qui Trévotte venait de déboucher une bouteille de dézaley, s’exécuta.
     
    – Bien que cela ne soit pas dit officiellement, afin de ne pas trop effaroucher Wellington, qui voit d’un mauvais œil la renaissance de la marine française, cette expédition punitive contre le dey, vassal du sultan de Turquie, doit, en fait, aboutir à la conquête de l’Algérie. Le gouvernement Polignac recherche, pour Charles X, un nouveau prestige politique, mais l’expédition est aussi dictée par des raisons stratégiques et, même, économiques. Les Anglais ont des colonies, pourquoi n’en aurions-nous pas ?
     
    – On ne peut pas dire que les colonies nous réussissent, colonel ! Voyez l’Inde, le Canada, Saint-Domingue, la Louisiane…, fit observer Ribeyre.
     
    – L’Algérie est proche et non dépourvue de richesses agricoles exploitables. Enfin, le cabinet présente l’affaire comme une croisade, pour abolir l’esclavage des chrétiens par les musulmans, détruire la piraterie barbaresque, supprimer les redevances que nous versons au dey pour nos concessions dites d’Afrique. Savez-vous qu’en 1820, au lendemain de nos représentations conjointes avec les Anglais pour demander à Husayn Pacha de retirer la protection masquée qu’il accorde aux pirates barbaresques, le dey, dans un accès de mauvaise humeur, a augmenté notre tribut annuel de 60 000 à 200 000 francs !
     
    – Une croisade qui profitera aux fournisseurs, comme toujours dans ce genre d’affaires ! dit Fontsalte avec une moue.
     
    L’envoyé de Marmont ne se laissa pas décourager.
     
    – Voilà l’entreprise en cours. Êtes-vous prêts, messieurs, à y participer par vos conseils dans le domaine où vous vous êtes illustrés au service de l’empereur ? demanda le colonel.
     
    Devant le silence prudent des deux généraux, qui semblaient se concerter du regard et chez qui l’officier devinait une envie contenue de retrouver l’ambiance dans laquelle ces hommes d’action avaient vécu leurs belles années, le colonel risqua un souvenir personnel.
     
    – Autrefois, général Ribeyre, et vous aussi, général Fontsalte, quand l’un de nous, jeunes officiers, hésitait à se lancer dans une action dangereuse, dont on ne voyait pas clairement l’importance ni même l’utilité, vous disiez l’un et l’autre, ce qui agaçait fort les Jacobins : « Allez, c’est pour Notre-Dame la France »… et je crois que vous mettiez partout des majuscules ! dit le colonel en riant.
     
    À cette évocation, la même émotion étreignit Blaise et Claude. Tous deux restèrent un moment silencieux, les yeux humides, tandis que remontaient du fond de leur mémoire les images des folles missions, des dangers encourus, des sacrifices passés.
     
    – Notre-Dame la France, que nous ne prenons pas pour protectrice de Charles X, peut compter sur nous, dit, enfin, Ribeyre, d’une voix ferme.
     
    – Si nous ne sommes pas obligés de rencontrer Bourmont, à qui nous ne pouvons serrer la main, nous servirons l’armée. Mais l’armée seulement, précisa Blaise.
     
    Restait à fixer le jour de l’arrivée à Paris des généraux, ce qui fut fait sur l’heure. Puis les trois hommes s’abandonnèrent, dans la fumée des pipes et verre en main, à la douce évocation, stimulante et mélancolique, des souvenirs. Une lumière argentée semblait sourdre du lac à la rencontre du jour, quand, sur la terrasse

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