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Rive-Reine

Rive-Reine

Titel: Rive-Reine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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mois plus tôt à Lausanne solliciter les services très particuliers des deux généraux. Il rapporta à Axel que Fontsalte et Ribeyre, prenant congé du maréchal Marmont, fort amer de ne pas conduire jusqu’aux rives algériennes l’expédition qu’il avait contribué à monter, avaient refusé la forte solde qui leur était due, ainsi que la croix de chevalier de l’ordre du Lys, décoration créée par Louis XVIII, que voulait leur décerner Charles X.
     
    – Ils ont fait cela pour Notre-Dame la France, comme ils disaient autrefois. Et Notre-Dame la France ne paie pas en or, mais en gloire, le service qu’on lui doit ! dit le colonel, ému.
     
    Puis il ajouta, en saluant Axel :
     
    – Soyez fier, monsieur, de votre père. C’est un homme, comme aurait dit l’empereur.
     

    Le séjour d’Axel Métaz à Paris s’était prolongé bien au-delà du temps prévu. Régis Valeyres lui envoyait chaque semaine un rapport sur la marche de ses entreprises et l’avancement des travaux dans le vignoble. Comme rien ne requérait sa présence et que les affaires allaient leur train, il avait choisi d’attendre la fin de la mission de Blaise pour rentrer avec lui au pays.
     
    La seule mauvaise nouvelle avait été apportée, fin mars, par une lettre de Charlotte à son mari. Le 18 du mois, un incendie avait ravagé le village de Saint-Légier. Les fermes et granges de vingt et une familles avaient été détruites par le feu et quatre-vingt-dix personnes se trouvaient sans abri. La petite maison des Fontsalte, considérée comme leur pied-à-terre de Vevey, n’était plus qu’un amas de pierres calcinées. On parlait déjà de reconstruire le village en prenant soin de laisser plus d’espace entre les habitations, mais, le général Fontsalte étant considéré comme un notable instruit et avisé, les sinistrés attendaient son retour avant d’adopter un nouveau plan de construction.
     
    En trois mois, le Vaudois, grâce à Ribeyre de Béran, était devenu un vrai Parisien. Par l’ami de Blaise, qui ne voulait pas qu’il l’appelât général, Axel avait été introduit dans les milieux aisés et érudits. Il avait rencontré des gens qui pouvaient se permettre d’ignorer les événements politiques et sociaux, visitaient les expositions de peinture, enchérissaient dans les salles des ventes, fréquentaient les antiquaires, soupaient avec les actrices et les compositeurs après concert, faisaient des dizaines de lieues pour étudier un tableau ou une sculpture, collectionnaient les saxes ou les ivoires, écrivaient des articles bourrés de références savantes dans des revues confidentielles. Les affidés de cette caste intellectuelle méprisaient les gens d’affaires et de commerce, comme les courtisans et les hommes politiques, se tenaient à l’écart de la cour, fuyaient les rescapés de la noblesse, à qui les Bourbons avaient rendu, avec l’indemnité des émigrés, leur arrogance. Ils se connaissaient par-delà les frontières, parlaient un langage ignoré des simples curieux et osaient dire en plein salon : « M. Ingres a produit, avec le portrait du marquis de Pastorel, une croûte pitoyable ! »
     
    Axel entendit ces mêmes personnes, qui se nommaient entre elles amateurs, critiquer, dans un salon, l’obtention par le baron Taylor, commissaire royal, auprès du vice-roi d’Égypte, des deux obélisques de Thèbes et de l’aiguille de Cléopâtre, à Alexandrie !
     
    De la même façon qu’il avait été initié à la vie intellectuelle et mondaine de la capitale, Axel avait appris de Ribeyre, que Blaise plaisantait toujours pour son perfectionnisme, un art de vivre plus raffiné, et conçu un goût neuf pour les belles choses. Adopter un vêtement sobre, mais pris dans un beau peigné et de coupe irréprochable, nouer une cravate dont le ton change suivant la circonstance ou l’humeur, choisir un cigare à l’oreille, chasser le faux pli et la tache, élire un armagnac au fumet, un bordeaux au millésime, un chapon à la crête, un cheval « au naturel » sortant de l’écurie, étaient façons d’aristocrate. En observant les manières du gentilhomme, le Vaudois perfectionna les siennes. Depuis le soir où, au café Tortoni, Claude stigmatisa le manque d’éducation d’un dîneur en rappelant à Blaise qu’« au cercle des officiers de la Garde des consuls on infligeait une forte amende à celui qui faisait tinter la porcelaine en remuant le sucre dans sa tasse

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