Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Rive-Reine

Rive-Reine

Titel: Rive-Reine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
Vom Netzwerk:
pour les vendre aux planteurs américains, et bien d’autres !
     
    – Si tes motifs sont nobles, tes méthodes sont détestables, dit Axel, se remémorant son séjour à Koriska.
     
    – L’or volé aux riches et aux prêtres sert à armer ceux qui sont en lutte pour conquérir la liberté, à aider les pauvres et les affamés, dont personne ne s’occupe. Saint Pertinent est aussi une belle invention, car son cachet gravé sur nos lingots de contrebande est connu de tous les orfèvres d’Europe. Les plus grands sont intéressés, donc complices, car devant l’or il en est peu d’honnêtes et ils préfèrent croire que l’or du couvent de saint Pertinent est or béni ! Seuls les Français n’en veulent pas ! Trop méfiants, trop honnêtes. Ils trouvent notre or impur et d’un titrage mesquin. Mais les Anglais sont les meilleurs clients de ma mère.
     
    – Et que fait-on de l’argent recueilli ?
     
    – Il sert à acheter des armes, vêtements, bateaux, nourritures, mon Xilou.
     
    – Et ça suffit à te donner bonne conscience ?
     
    – Que veut dire « bonne conscience » ?
     
    – C’est être, en son for intérieur, en accord avec ses principes.
     
    – Alors, j’ai bonne conscience, je suis en accord avec mes principes… Tout dépend naturellement du choix des principes ! conclut-elle en éclatant de rire, de son rire de gitane, râpeux, rauque, vulgaire, quasi méchant, qui, toujours, créait un malaise chez Axel.
     
    La conversation languit, comme si les amants s’étaient brusquement éloignés l’un de l’autre. Adry raconta sa vie mondaine à Paris et, pour tenter de ranimer chez son demi-frère la passion d’autrefois, rapporta qu’à une fête grandiose, donnée par la duchesse de Berry, elle avait rencontré une de leurs vieilles connaissances vénitiennes, la comtesse Teresa Guiccioli, la dernière maîtresse de Byron.
     
    – Tu te rappelles, à la Fenice, comme tu guettais l’apparition de ce poète que tu aimais tant, et de cette femme. Eh bien ! Teresa, tout à fait consolée, en parle comme si elle avait été son inspiratrice unique. Elle assure qu’il venait lui lire ses poèmes et les corrigeait dans son lit. On m’a dit qu’à Rome elle avait beaucoup sympathisé avec M. de Lamartine, autre poète, qui voulait tout savoir de ses amours avec Byron. On dit aussi qu’elle a, depuis cinq ans, une liaison orageuse avec un autre poète, c’est semble-t-il sa spécialité, un Anglais, cette fois encore, Henry Edward Fox, fils de lord Holland, l’ami de Byron. Ce dernier avait rencontré Fox en 1823, à Gênes, chez les Blessington, et l’avait trouvé charmant, « le nec plus ultra de l’amabilité 10  », avait-il dit.
     
    – Elle le trouva donc charmant aussi et digne, peut-être, de consulter certains des papiers intimes du grand poète, son prédécesseur au lit ! commenta Axel, ironique.
     
    – En tout cas, il a dû avoir en main l’exemplaire de Corinne , de M me  de Staël, annoté par Byron. Teresa le montre à qui veut le voir. On peut y lire, paraît-il, de la main de Byron, cette phrase qu’on m’a citée et que j’ai retenue : « Il y a dans les réalités de la vie quelque chose d’aride, qui demeure aride quoi qu’on fasse », récita Adry, émue par cette amère constatation.
     
    Puis, comme Axel se taisait, un peu ébahi par un attendrissement rare chez Adrienne, elle reprit :
     
    – Ainsi, vois-tu, les passions se diluent avec la mort, avec l’absence, avec le temps.
     
    – Seules survivent les amours souveraines, puissantes et folles. Celles qui ne se nourrissent que d’elles-mêmes. Ma mère et notre père ont vécu cela et le vivront, maintenant rassemblés, jusqu’au terme de leur vie, corrigea Axel. Mais il arrive aussi que la passion entre un homme et une femme s’éteigne comme une chandelle. Il suffit d’un mauvais souffle ! ajouta-t-il.
     
    – As-tu senti, ce matin, passer le mauvais souffle ? J’ai le sentiment que tu es loin de moi, comme absent. Ne sommes-nous plus que frère et sœur, Xilou ?
     
    – N’est-ce pas déjà beaucoup, Adry ?
     
    Elle ne releva pas la dérobade et fit servir le thé à la menthe par un Turc aux pantalons bouffants. Les fidèles Zigeuner ne se montrèrent pas. Après avoir sucé un loukoum, Axel prit rapidement congé. Adrienne devait s’habiller pour sortir.
     
    – Quand te reverrai-je ? demanda-t-elle tendrement, devenant soudain la femme

Weitere Kostenlose Bücher