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Rive-Reine

Rive-Reine

Titel: Rive-Reine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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aux très jeunes filles, les colliers d’ambre aux grisettes et que l’étiquette à la mode Charles X, dont elle se moquait, voulait que seules les femmes mariées portent émeraudes, saphirs et améthystes, les diamants n’étant tolérés qu’en rivières, au cou des douairières. Elle conclut, avec un éclair dans son regard vairon, qui disait sa jubilation à venir :
     
    – Omar – c’est mon Turc – m’a commandé chez Mellerio une parure de citrines sur or jaune avec un pendentif et des pendants d’oreilles. Et, aussi, une copie du médaillon dit « au chien », qu’ils ont autrefois fabriqué pour l’impératrice Joséphine, après que son carlin eut mordu Bonaparte !
     
    – Folies, que tout cela ! dit Axel, toujours étonné par les accès de frivolité d’une femme par ailleurs si lucide, dont la vie dangereuse exigeait réalisme, courage et sang-froid.
     
    – Pas folies, Axou ! Sagesse, prévoyance, placement. Les bijoux sont, pour la femme, la meilleure assurance contre la misère. La femme vieillit et perd ses attraits, connaît l’abandon, le diamant n’a pas d’âge, garde sa beauté inaltérable et sa valeur, éveille toujours la convoitise et…
     
    – Sauf quand il aboutit à Koriska, chez ta mère ! coupa Axel, qui tenait à rappeler à Adrienne qu’elle l’avait abandonné sans vêtements, aux mains des faux moines, fondeurs d’or des Carpates, pour s’enfuir avec un coquin de son espèce !
     
    Adriana, tout en essayant escarpins et bottines, laissa l’amant exhaler la rancune accumulée depuis tant de mois, puis lui prit la main tendrement et, comme chaque fois, Axel accepta, lucide et amusé, de rendre les armes.
     
    – Mon Axou, c’était une question de vie ou de mort pour un garçon très jeune, qu’il fallait tirer des griffes de ma mère. Je n’avais pas d’autre moyen et je savais que tu saurais, toi, sortir seul du château. Et puis, j’avais mis un cierge à saint Pertinent ! dit-elle en éclatant de rire.
     
    Axel prit le parti d’en faire autant et rendez-vous fut fixé pour le lendemain.
     
    – J’habite un hôtel particulier, 30, rue Neuve-Luxembourg, à deux pas d’ici. Je suis toujours seule le matin. Mon Turc se lève avec le jour pour aller à ses affaires, précisa-t-elle en le quittant.
     
    Comme Adrienne n’avait manifesté aucun désir de rencontrer leur père, bien qu’Axel l’eût informée de la présence du général à Paris, il tut à Blaise et Claude sa rencontre avec la baronne von Fernberg.
     
    Il fut, en revanche, exact au rendez-vous du lendemain et trouva sa demi-sœur au lit et visiblement lasse.
     
    – Tu dois, toi aussi, changer de nom de temps en temps, dit-elle en l’accueillant. Aujourd’hui je vais t’appeler Xilou, comme à Koriska. Ça fait grec et les Grecs sont à la mode. Ils vous ont coûté assez cher, aux Suisses ! Et puis, quand je t’ai connu, à Venise, il y a déjà dix ans, tu ressemblais à un pâtre grec, avec tes cheveux frisés et ton regard bicolore, miel de l’Hymette et bleu mer Égée.
     
    Comme Axel l’écoutait sans rien dire et l’observait, elle enchaîna :
     
    » J’ai pas bon visage, hein ? Je sais. Mon Turc m’éprouve… mais il me reste, pour toi, toute la vraie tendresse que je ne lui donne pas… Viens !
     
    Axel, d’un mouvement de tête, refusa cette invitation à entrer dans la couche que venait, peut-être, de quitter l’obèse représentant de la Sublime-Porte. La proposition d’Adrienne lui inspira même un certain dégoût. Il lui fit aussitôt part de sa désapprobation de la vie d’odalisque qu’elle menait, du fait qu’elle se mêlât sans cesse d’intrigues politiques, qu’il la retrouvât toujours là où fermentait une révolution.
     
    – Quel complot es-tu en train d’organiser, avec l’or volé des Tsiganes ? demanda-t-il.
     
    Elle rit, puis, soudain grave, expliqua qu’elle trouvait aux activités qu’il condamnait une sorte de justification à sa vie de plaisirs.
     
    – C’est pour me donner une raison de vivre, sans trop me mépriser, que j’aide tous ceux qui combattent les grandes iniquités de notre temps : les malheurs des Irlandais sous férule anglaise, le manque de liberté des Italiens sous domination autrichienne, les souffrances des Polonais soumis à la loi russe, l’épuisement des enfants que les Gallois emploient pour extraire le charbon des mines, les Noirs qu’on enlève à l’Afrique

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